Stratégies

Xavier Musseau : « Les premiers mouvements d’entreprises devraient intervenir après l’été »

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

À l’échelle mondiale, Hines - à la fois développeur, investisseur et asset manager - représente près de 200 millions de mètres carrés de bureaux, avec des projets menés à terme ou en cours. La filiale française gère une trentaine d’actifs, dont plus des deux tiers (7 millions de mètres carrés) sont des bureaux. Les tours CB16, CBX et Carpe Diem, la Workstation de Courbevoie, le 114 Champs-Elysées ou encore la toute prochaine tour Hekla… autant de belles adresses qui garnissent l’escarcelle d’Hines France. Xavier Musseau, président de Hines France, nous partage sa vision du marché et des évolutions attendues dans la stratégie des entreprises.

Xavier Musseau, président de Hines France. - © Thomas Raffoux
Xavier Musseau, président de Hines France. - © Thomas Raffoux

L’exposition en bureau d’Hines France reflète une stratégie très centrale et urbaine, qui semble d’autant plus pertinente post-Covid. Cette approche est-elle la même à l’échelle internationale ? Le marché français se démarque-t-il par des spécificités ?

Notre patrimoine actuel est effectivement le fruit d’une stratégie qui s’est construite au fil du temps, dans laquelle la centralité et la proximité des hubs de transport a toujours été une valeur cardinale. On ne peut que se réjouir de constater que post-pandémie, ce besoin d’un emplacement centralisé est renforcé. Si cette appétence pour ce type localisation se retrouve sur tous les marchés, c’est encore plus prégnant en France, du fait de la centralité géographique de Paris par rapport au reste du pays. A titre de comparaison, nos collègues allemands sont présents dans les cinq plus grandes villes réparties dans les différents Länder. Dans l’Hexagone, Paris garde une forte prépondérance. On n’observe pas de tendance analogue en Allemagne, en Italie ou en Espagne. A nos yeux, les marchés régionaux en France affichent encore une moindre profondeur de marché, d’où notre présence uniquement à Paris et Première Couronne concernant les actifs de bureaux.  

La pandémie n’a-t-elle pas suffisamment renforcé l’attractivité des métropoles régionales pour vous amener à y investir ?

Hines ne s’impose aucune barrière pour investir dans d’autres villes. Ce que nous analysons en premier lieu, c’est la prime de risque et les rendements associés à l’investissement. Le deuxième point porte sur l’identification du marché et de ses acteurs. La connaissance des sous-marchés parisiens représente déjà un travail important, le phénomène serait similaire dans les métropoles régionales. Nous n’avons pas la volonté d’être partout, mais celle d’être pertinents et donc sélectifs dans les choix d’opérations. Nous pourrions donc être amenés à regarder des villes comme Lyon, Marseille, Nantes ou Bordeaux, à l’aune d’une décentralisation par rapport à la capitale. 

Le fossé entre les actifs prime bien situés et desservis d’un côté et les immeubles obsolètes et isolés de l’autre grandit. Quel est votre regard sur cette situation ?

C’est tout à fait exact. On observe aujourd’hui le creusement de ce fossé dans un contexte où les entreprises sont face à un enjeu important en termes d’attractivité, sujet au sein duquel le lieu de travail occupe un rôle prépondérant. Aujourd’hui les utilisateurs sont prêts à payer des loyers plus importants dans les secteurs prisés, quitte à réduire la surface louée pour compenser, et délaissent ainsi les actifs obsolètes qu’il devient de plus en plus difficile de recommercialiser. Cependant, cette situation n’est pas révolutionnaire : l’immobilier de bureau a toujours été dynamique et en perpétuelle évolution. Ce qui se produit aujourd’hui se passe en fait dans un laps de temps très court, c’est donc pour cela que le mouvement peut sembler brutal.

Estimez-vous avoir une responsabilité en la matière ?

Il est évident que des pans entiers des immeubles de bureaux vont devoir être restructurés. Notre responsabilité pourrait s’exprimer sur la notion de conversion et l’aide à la transformation. Cela suppose de répondre à trois problématiques. D’abord la faisabilité technique ; ensuite vient la question financière : celle du coût de l’opération et de la rentabilité à laquelle les investisseurs et propriétaires doivent répondre. Ensuite et peut-être surtout, l’acceptabilité administrative et politique de ces transformations. Notre responsabilité en tant que propriétaires est de dialoguer avec les administrations publiques afin de traiter au mieux ces sujets épineux.

De son côté, Hines France se positionne sur bon nombre de projets importants qui ont vocation à être transformés en logements ou en actifs mixtes. C’est le cas notamment de l’appel à projets de l’AP-HP pour son siège rue Victoria, dans le cadre de Réinventer Paris 3, pour lequel nous sommes présélectionnés aux côtés de quatre autres équipes. L’immeuble sera amené à perdre sa mono affectation et nous portons la plus grande attention à la manière dont on pourra vivre dans un tel bâtiment. Cela recouvre par exemple des offres de résidences étudiantes, de coliving, d’hôtellerie. 

Avez-vous eu des craintes que le marché locatif ne retrouve jamais son dynamisme pré-Covid ?

Avec l’hybridation quasi généralisée des modes de travail, il n’apparaît pas du tout certain que l’on pourra retrouver les niveaux de volumes de transactions de 2018 et 2019. Les entreprises ont dû s’adapter, par la contrainte, à une situation nouvelle pendant deux ans. Désormais, elles doivent se projeter dans l’étape d’après, à moyen et long terme, et cette réflexion est complexe. Doivent-elles réduire leurs surfaces car les salariés ne sont plus tous systématiquement présents au bureau, ou bien doivent-elles allouer plus de mètres carrés par personne avec le développement soutenu d’espaces collaboratifs ? Ces questions sont encore loin d’être résolues, car bon nombre d’entreprises n’ont pas encore arrêté leur plan. Quand ces derniers seront dévoilés et appliqués massivement, ils amorceront une dynamique de marché. En effet, certaines entreprises ne pourront pas se contenter de libérer, auprès de leur bailleur, un étage au sein d’une tour, et il leur faudra alors déménager. Ces déplacements pourront redonner de la fluidité au marché locatif, même si le volume global sera peut-être plus contracté du fait d’une baisse de la demande de surfaces. Les premiers mouvements devraient intervenir durant la seconde moitié de l’année, au sortir de l’été.

Quelle est votre approche en termes de services dans vos immeubles ?

Le lieu de travail, après la rémunération, est devenu le cœur du réacteur de l’attractivité d’une entreprise. L’enjeu qui nous est donc désormais soumis se situe dans notre capacité à nous imposer en leader de la qualité de l’expérience utilisateur. Pour y parvenir, il faut multiplier les services, tout en s’interrogeant sur leur pertinence. Il est également important que ceux-ci soient connectés entre eux, et simples d’utilisation pour les occupants de l’immeuble au quotidien. À ce titre, nous envisageons beaucoup de partenariats avec des start-up innovantes, réflexion menée actif par actif, selon leurs besoins spécifiques.

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