[INFOGRAPHIE] Les impacts chiffrés de l’hybridation des modes de travail
Par Alexandre Foatelli | Le | Environnement de travail
Deux ans après l’explosion des modes de travail hybrides, les impacts sur les stratégies workplace et immobilières demeurent encore floues, car très diverses et complexes. Favoriser plus ou moins le télétravail, en home office ou avec l’appui des tiers-lieux, réduire ses surfaces tout en proposant des bureaux de meilleure qualité, tout en devant jongler avec les contraintes d’engagement à long terme… le cabinet de conseil Urbanite Advisors et la plateforme Neo-nomade ont produit deux études complémentaires : les premiers impacts chiffrés de l’hybridation dans les entreprises et un panorama de l’utilisation des tiers-lieux par les entreprises françaises.
Accompagnateur de plusieurs grands utilisateurs et investisseurs dans le monde, Urbanite Advisors a interrogé 83 entités, principalement des directions immobilières, présentes dans 16 pays et représentant 15 millions de mètres carrés de bureaux occupés. L’objectif : comprendre les nouvelles stratégies immobilières mises en place pour s’adapter à l’hybridation.
Rien de neuf ?
Le premier enseignement, c’est que la rengaine éculée d’une pandémie « accélératrice de tendances » ne sort pas de nulle part. Sur le panel sondé, 96 % avaient déjà des accords de télétravail avant l’effet de mode. Et si pour 20 % ce mode n’était autorisé qu’exceptionnellement et que la moitié l’autorisait qu’avec un accord préalable du manager, un quart des entreprises interrogées l’avait généralisé pour tous leurs salariés. Cependant, la pandémie a tout de même mis un coup de pied dans la fourmilière des certitudes. Si 4 % du panel n’envisage encore aucun accord post-Covid, 24 % sont en cours de définitions de nouveaux accords.
Plus que deux jours au bureau ?
Le développement du télétravail semble largement plus avancé aux Etats-Unis, où des majors tels que Facebook, Twitter ou SalesForce (105 000 employés à eux trois) accordent jusqu’à 5 jours de télétravail. Au Japon, le culte de l’employé entièrement dévoué à son entreprise se trouve tempéré par l’accord de télétravail permanent accordé par la firme Fujitsu à ses 80 000 collaborateurs. C’est en Europe que la situation semble un peu plus hétérogène, avec des accords se situant plutôt autour de deux à trois jours. L’exception vient de la Suède avec Spotify qui accorde 5 jours à ses 5 600 salariés et PSA, qui avait annoncé dès l’été 2020 sa volonté de généraliser du télétravail à grande échelle.
Globalement, l’étude d’Urbanite relève que le nombre moyen de jours télétravaillés par semaine est de 2,3, contre 0,8 avant la pandémie. Le cabinet estime qu’avec un jour d’absence en plus par semaine, le taux d’occupation moyen des bureaux devrait passer sous les 50 %. En fonction des secteurs d’activité, le potentiel de réduction de surfaces occupées à horizon 5 ans varie, entre 9 et 22 % (17,6 % en moyenne). Le nombre de jours télétravaillés n’est pas forcément le seul facteur, à l’image de l’immobilier et du BTP et du conseil, secteurs qui accordent le plus de jours par semaine (respectivement 2,6 et 2,5 jours/semaine) tout en affichant une réduction potentielle « que » de 14 %.
Stratégie agile
Conscientes que l’agilité qu’elles proposeront sera un élément déterminant de leur attractivité auprès des talents, les entreprises sont dans une logique de centralité et de flexibilité. Afin d’optimiser les temps de trajet et de bénéficier d’environnements riches en services, les entreprises interrogées par Urbanite privilégieront largement la centralité. Ici aussi, rien de nouveau puisque 77 % d’entre elles ne changeront rien car ils sont déjà dans des localisations urbaines et centrales. Elles sont 10 % à rechercher des emplacements plus centraux, contre 4 % qui envisagent de quitter les villes ou d’avoir une approche décentralisée.
L’autre volet passera par la flexibilité offerte aux salariés dans leurs modes de travail. À ce titre, 9 % des entreprises sondées envisage d’avoir une stratégie mixant un siège central et des satellites. Ces satellites pourront être des tiers-lieux (61 % envisagent d’en intégrer dans leur stratégie) ou des bureaux annexes (71 % autoriseront le travail depuis d’autres bureaux existants). 43 % des employeurs déclarent même qu’ils autoriseront le travail temporaire depuis un autre pays.
Quant aux attentes des utilisateurs, c’est la collaboration qui est le plus plébiscitée, puisque 76 % veulent plus d’espaces de réunion et de collaboration, devant les services (restauration, conciergerie, smart building, etc.). Une convergence entre lieu de travail et hospitality qui amuse Tamas Polster, Partner chez Urbanite Advisors : « En venant désormais au bureau principalement pour collaborer, on remet au goût du jours les cafés et salons de thé du XVIIe siècle, qui constituaient des lieux d’échanges et de business associés à des services de restauration et hôteliers. »
Les tiers-lieux en embuscade
De son côté, Neo-nomade, première plateforme de réservation d’espaces de coworking en France avec plus de 1 300 espaces référencés, a mené son étude sur le recours aux tiers-lieux en France. Les données montrent que lorsque la possibilité d’utiliser des espaces de coworking est donnée à des télétravailleurs par l’entreprise, le taux d’utilisation varie entre 2 et 30 % selon les métiers et les situations (moyenne à 5 %). Les postes de travail en open space (61 %) et les salles de réunion (31 %) sont principalement utilisés. Dans quelques rares cas, les utilisateurs favorisent des bureaux privatifs (8 %) essentiellement pour des besoins de confidentialité ou de calme. Des chiffres qui collent avec le désir de collaboration mis en avant par les salariés.
Le recours à ces espaces répond à plusieurs problématiques ou besoins conjoncturels. Avec la montée en puissance du flex office, les entreprises dimensionnent au plus juste leurs locaux et s’appuient sur le coworking pour gérer des pics d’occupation, externaliser certains usages (réunions…) et créer des bureaux satellites. Se faisant, elles offrent aussi une alternative au domicile pour leurs salariés nomades et favorisent les conditions du « work anywhere ». Des atouts qui ont permis à ce marché de redécoller vigoureusement après avoir subi de plein fouet les deux confinements.
De la ville à la campagne
Depuis 2010, les espaces de coworking se sont rapidement développés en France et sont aujourd’hui diffusés sur l’ensemble du territoire. L’analyse de Neo-nomade montre que ces offres existent dans plus de 90 % des départements de France métropolitaine. Huit villes concentrent près de 40 % des espaces de travail à la demande disponibles et Paris quasiment 25 % à elle seule. C’est également au cœur de ces grands centres urbains que se développent les concepts les plus grands en surface (plus de 5 000 m²).
Cependant, une analyse de la répartition de ces espaces au regard de la densité communale montre que 32 % des espaces de coworking sont situés hors des zones densément peuplées (critères Insee). Ainsi, bien que les réservations de coworking se concentrent à près de 85 % sur les zones densément peuplées, le recours à des espaces de travail situés en zones moins denses évolue sans discontinuer depuis trois ans avec notamment une augmentation de 24 % de la demande vers ces zones en 2021. « C’est encore un signal faible mais il semble corroborer l’accélération des déménagements observée à l’occasion de la crise sanitaire. Il est également à lier avec la possibilité de télétravailler de manière plus intense (3, 4, voire 5 jours par semaine) dans certaines entreprises », souligne Nathanaël Mathieu, cofondateur de Neo-nomade.
Quant à la demande en Ile-de-France, elle représente 63 % des demandes nationales. En resserrant la focale sur la région, on s’aperçoit que les usages sont très largement concentrés à Paris et les Hauts-de-Seine, qui captent 91 % des demandes de réservation. Un chiffre cohérent avec la répartition des espaces en dans la région (à 76 % centrée à Paris et les Hauts-de-Seine). « Cela confirme l’utilisation du coworking comme solution de débordement ou bureaux de proximité, précise les auteurs de l’étude. L’utilisation des espaces de coworking comme alternative à de longs déplacements franciliens reste en revanche très limitée à ce jour. Il sera intéressant de regarder l’impact de la hausse des coûts de transport sur l’utilisation des espaces de première et deuxième couronne en 2022 », concluent-ils.
Il n’en demeure pas moins qu’avec des stratégies immobilières bien plus flexibles, les tiers-lieux devraient avoir de beaux jours devant eux.