Stratégies

Lyon Part-Dieu : « Nous maintenons un rythme de réhabilitation soutenu, avec 13 projets en cours »


Face aux transformations du monde du travail et à la montée en gamme des attentes des entreprises, le quartier lyonnais de la Part-Dieu se réinvente, entre régénération urbaine, modernisation de la gare et végétalisation. Florent Sainte Fare Garnot, directeur général de la SPL Lyon Part-Dieu, revient sur les défis actuels et les perspectives d’évolution du second quartier d’affaires de France.

Florent Sainte Fare Garnot est le DG de la SPL Lyon Part-Dieu depuis février 2022. - © Pierre Antoine Pluquet
Florent Sainte Fare Garnot est le DG de la SPL Lyon Part-Dieu depuis février 2022. - © Pierre Antoine Pluquet

Depuis 2020, avec l’essor du télétravail, quels sont les grands enjeux de transformation pour la Part-Dieu ?

Pour l’ensemble des entreprises, on estime que la demande de mètres carrés des entreprises s’est réduite de l’ordre de 20 %. Comme ailleurs, on observe à la Part- Dieu ce phénomène, et il se traduit par une approche de prise à bail par les entreprises « moins mais mieux ». En revanche, cela ne s’accompagne pas d’une stratégie de recherche d’économie à tout prix par les entreprises mais d’une recherche de montée en gamme sur la prestation tertiaire attendue. C’est un phénomène qui s’inscrit plutôt bien avec nos perspectives de développement.

Quelles sont les atouts de la Part-Dieu pour répondre à cette demande des entreprises ?

Tout d’abord, nous avons une offre immobilière de régénération qui est activement en cours. Nous comptons 13 opérations de réhabilitation actuellement, auxquelles s’ajoutent des constructions neuves. Ainsi, à l’occasion de ces opérations de régénération, les actifs anciens montent en gamme. Cela s’inscrit dans un nouveau langage, à la croisée de l’hôtellerie et du tertiaire. Ce cycle d’offres, qui vise une montée en gamme, nous permet de bien maîtriser la situation de la demande.

Carte de régénération urbaine tertiaire à Lyon Part-Dieu. - © SPL Lyon Part-Dieu
Carte de régénération urbaine tertiaire à Lyon Part-Dieu. - © SPL Lyon Part-Dieu

Ensuite, c’est un coup de chance : étant un quartier de gare TGV, nous nous distinguons d’autres quartiers d’affaires pour notre exceptionnelle connectivité. Nous répondons donc naturellement à une évolution de la demande post-télétravail, marquée par un fort besoin en ce sens. La situation géographique et la politique de mobilités décarbonées de la Métropole de Lyon, dont la Part-Dieu est le cœur, nous placent en position très favorable. Le chiffre clé pour illustrer cette différence, c’est le taux de vacance : il est d’environ 17 % à La Défense, tandis qu’à la Part-Dieu, il se limite à 6 %.

Notre quartier bien connecté, doté d’une offre commerciale et culturelle diversifiée, répond parfaitement aux attentes des actifs.

Enfin, les orientations politiques du projet urbain, allant dans le sens de la renaturation du quartier, ont renforcé la transformation de la Part-Dieu. Ce choix s’avère aujourd’hui cohérent avec les nouvelles attentes des collaborateurs post-Covid. Les études menées sur la question de la localisation des bureaux montrent que les employés recherchent désormais une « qualité d’adresse ». Autrement dit, les entreprises doivent offrir un cadre attractif et riche en aménités. À cet égard, notre quartier bien connecté, doté d’une offre commerciale et culturelle diversifiée et en pleine transformation paysagère, répond parfaitement aux attentes des actifs. En somme, nous incarnons une vision contemporaine de l’urbanisme de quartier d’affaires, parfaitement en phase avec les évolutions du monde du travail.

En 2023, dans le cadre du Mipim, vous aviez annoncé l’objectif de 300 000 m² de bureaux à réhabiliter à l’horizon 2029. Où est-ce que vous en êtes aujourd’hui ?

Lors du lancement de ce projet au Mipim 2023, celui-ci a reçu un écho très favorable au sein de la filière lyonnaise, notamment parce que nous avions échangé en amont avec les acteurs du marché pour adapter notre approche à leurs attentes et à leurs capacités.

Nous maintenons un rythme soutenu, avec environ deux opérations de réhabilitation par semestre, et 70 000 m² déjà en développement.

Par ailleurs, ce projet a renforcé l’image de la Part-Dieu comme un lieu où les promoteurs bénéficient d’un écosystème favorable, y compris en matière d’accompagnement des collectivités publiques. Cette dynamique de régénération urbaine s’impose de toute façon comme l’une des grandes orientations stratégiques du marché tertiaire pour les 30 prochaines années. Nous vivons un moment d’envie partagée autour de cette transformation. Depuis cette annonce, 70 000 m² sont déjà entrés en développement dans le quartier. Nous maintenons un rythme soutenu, avec environ deux opérations de réhabilitation par semestre, avec 13 projets en cours, signe d’une dynamique pleinement engagée.

L’opération mixte Audessa/Vertuo consiste en la réhabilitation/extension des anciens bureaux du groupe RTE. - © Sogeprom
L’opération mixte Audessa/Vertuo consiste en la réhabilitation/extension des anciens bureaux du groupe RTE. - © Sogeprom

Quelle est votre méthodologie ?

Le modèle repose sur quelques piliers très simples. Le premier, c’est la force de l’adresse Part-Dieu, deuxième quartier d’affaires de France, très prisé par les entreprises. Cette adresse génère des valeurs de marché élevées : aujourd’hui, pour l’immobilier tertiaire prime, les loyers avoisinent 310 euros par mètre carré/an hors IGH, et 340 euros par mètres carré/an en IGH. Ces valeurs sont en constante progression et devraient être dépassées par les opérations qui verront le jour dans les 24 prochains mois. Cette dynamique permet de soutenir un modèle économique tertiaire où des opérations de réhabilitation peuvent être autofinancées, sans recours à des fonds publics.

L’exemple de la réhabilitation de Silex², qui a permi de créer 14 000 m² de SDP supplémentaires. - © D.R.
L’exemple de la réhabilitation de Silex², qui a permi de créer 14 000 m² de SDP supplémentaires. - © D.R.

Toutefois, cela repose sur une deuxième condition : intégrer dans les opérations de réhabilitation, une extension en neuf. Ce principe vise à garantir aux partenaires privés l’équilibre économique de leurs opérations, à condition qu’ils conçoivent des projets ambitieux, notamment sur le plan environnemental, car l’objectif ultime est de réduire l’empreinte écologique du quartier.

Enfin, notre modèle repose sur un troisième pilier essentiel : la confiance. Contrairement aux approches où la puissance publique impose toujours plus de contraintes aux acteurs privés, sans garantir un équilibre économique, nous avons, dès le départ, reconnu l’importance d’une approche exigeante et réaliste bilan financier des projets. Ainsi, si un projet nécessite une SDP supplémentaire pour être viable, cela est admis et intégré. En résumé, ce modèle fonctionne parce qu’il repose sur une logique pragmatique et équilibrée et qu’il permet la réussite, sans mobiliser d’argent public.

La végétalisation est aussi un enjeu clé pour les quartiers d’affaires. À la Part-Dieu, comment avez-vous abordé cette question ?

Parmi les principales opérations, nous livrerons en avril le parc Mandela. Il s’agit d’un espace végétal qui existait déjà en partie - environ 30 à 40 % de sa surface -, auquel viennent s’ajouter deux nouvelles sections pour former un parc urbain de plus de 4 hectares. Nous avons repris l’aménagement paysager de la partie existante en y intégrant des espaces perméables et en renforçant le patrimoine arboré. Deux nouveaux secteurs, qui n’étaient pas végétalisés auparavant, viennent agrandir l’ensemble pour en faire un véritable espace vert à l’échelle du quartier.

Plantation place basse - © Laurence Danière
Plantation place basse - © Laurence Danière

Par ailleurs, la première phase du Bois de la Part-Dieu constitue l’élément emblématique de notre révolution paysagère. Sa livraison est prévue pour décembre de cette année. Ce projet est ambitieux : face à la gare, nous aménageons un hectare d’espace vert densément planté. Une partie sera dédiée aux circulations piétonnes et cyclistes avec des allées généreuses, tandis que le secteur sud accueillera en phase 2 trois grands îlots de végétation, conçus selon les principes de la méthode Miyawaki, favorisant une plantation très dense. Ces îlots ne seront pas traversés, mais des chemins se rejoindront et les contourneront pour préserver leur biodiversité. Ces deux projets soulignent l’importance des espaces végétalisés dans le projet urbain de la Part-Dieu.

Bois de la Part-Dieu, vue depuis Vivier-Merle - © François Marcuz
Bois de la Part-Dieu, vue depuis Vivier-Merle - © François Marcuz

Des travaux d’extension de la gare Lyon Part-Dieu ont été récemment livrés. Quels impacts auront-ils sur l’attractivité de la Part-Dieu ?

Le projet de modernisation de la gare a été livré en juin 2024. Il a permis de doubler la surface des espaces voyageurs, une évolution essentielle. Initialement conçue pour 35 000 voyageurs par jour lors de son inauguration en 1983, la gare accueillait récemment 125 000 passages quotidiens, un chiffre en constante augmentation. Cette situation en faisait une gare particulièrement contrainte, d’autant plus que sa hauteur sous plafond était relativement basse comparée aux grandes gares du XIXe siècle. L’ajout de la grande casquette et du nouveau pôle voyageur a considérablement amélioré l’expérience des usagers. Les retours sont très positifs. Ce projet a été mené par la maîtrise d’ouvrage de Gare et connexions, et nous avons travaillé ensemble sur les enjeux urbains.

En complément, un vaste réaménagement du parvis est en cours. L’objectif est de transformer cet espace en un lieu végétalisé et accueillant, avec une canopée luxuriante et des îlots de nature. Un véritable défi technique, car nous travaillons sur une toiture en béton avec des charges importantes à gérer. Ce projet sera achevé en septembre 2025. Plus largement, l’amélioration de la gare s’intègre dans un pôle multimodal qui dépasse le simple cadre ferroviaire. Parmi les infrastructures complémentaires, nous avons une vélo station de 1 500 places, qui ouvrira en avril ainsi qu’un nouvel accès au métro, situé sous le parvis.

Ce programme, lancé il y a dix ans, représente un investissement total de 360 millions d’euros et arrive cette année à son aboutissement. Concernant l’impact pour les entreprises, nous observons deux effets principaux. Tout d’abord, une meilleure connectivité favorisant les déplacements professionnels : être à la Part-Dieu signifie pouvoir rejoindre Paris en deux heures. En cinq minutes à pied, un collaborateur est à la gare, prêt à prendre un TGV. Cela facilite considérablement les rencontres avec des clients et partenaires. Le second impact est une attractivité accrue pour les talents locaux : difficile de quantifier l’impact sur le recrutement hors région, mais il est évident que l’amélioration du cadre urbain joue un rôle majeur dans l’attractivité du quartier.

Quelles sont vos perspectives stratégiques pour la SPL Part-Dieu, notamment sur l’évolution du quartier à plus long terme ?

On peut évoquer deux grandes orientations stratégiques. La première, déjà intégrée au projet urbain et pleinement soutenue par les élus, vise à renaturer et apaiser le cœur de la Part-Dieu. Historiquement, ce quartier s’est développé durant les Trente Glorieuses, dans une logique purement fonctionnelle, sans prise en compte des enjeux environnementaux et de qualité de vie tels que nous les concevons aujourd’hui. Son aménagement actuel est donc assez chaotique sur le plan urbain.

L’un des gestes forts pour y remédier est l’extension de la place du Lac, qui permettra de doubler sa surface et d’offrir un véritable espace central apaisé. Actuellement, la partie sud de la place du Lac existe déjà, tandis que la partie nord est occupée par la Cité administrative historique, un bâtiment qui sera partiellement ou totalement déconstruit pour libérer le sol et permettre un retour en pleine terre. L’objectif est de créer une respiration urbaine au sein du quartier, avec un cadre plus résidentiel et végétalisé. Cela contraste avec la gare, qui restera un pôle d’intensité et de flux, incarnant la vitesse et l’effervescence contemporaine. Cette transformation est un projet structurant, qui devrait être livré lors du prochain mandat.

La seconde orientation est encore en phase d’étude : il s’agit d’un projet d’aménagement sur la façade Est de la gare. Jusqu’à présent, le projet Part-Dieu s’est essentiellement concentré sur l’ouest du quartier, où se trouve la majorité des bureaux et infrastructures. Cependant, l’est du faisceau ferroviaire, le long du boulevard Vivier-Merle, accueille également un long linéaire d’immeubles tertiaires et de nombreuses entreprises.

Cette année, nous allons lancer une étude urbaine afin de proposer des scénarii d’aménagement de l’est du faisceau ferroviaire aux élus.

Pendant longtemps, cette zone a été relativement ignorée dans les réflexions d’aménagement urbain. Cette année, nous allons lancer une étude urbaine afin de proposer des scénarii d’aménagement aux élus, avec une analyse chiffrée pour évaluer les possibilités économiques et opérationnelles du projet. En fonction de ces éléments et des arbitrages politiques, le lancement du projet pourra être décidé. Ce serait une véritable nouvelle frontière de la Part-Dieu