Stratégies

Anne-Céline Beaussier (SCOR) : « Les directeurs immo doivent peser sur l’évolution des bureaux »

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Réassureur de premier plan au niveau mondial, SCOR dispose d’implantations dans 28 pays. Depuis près de trois ans, Anne-Céline Beaussier structure la fonction immobilière au sein du groupe. Entre la conduite du passage au flex office, la transformation du siège social avenue Kléber ou l’objectif d’être net zero carbone sur l’immobilier et les voyages d’affaires d’ici 2030, tour d’horizon des grands chantiers de la directrice immobilier et services généraux.

Anne-Céline Beaussier, Head of Real Estate and General Services pour le groupe de réassurance SCOR. - © SCOR
Anne-Céline Beaussier, Head of Real Estate and General Services pour le groupe de réassurance SCOR. - © SCOR

Que comprend votre périmètre d’intervention au sein de SCOR ?

SCOR est présent dans 28 pays dans le monde au travers d’une trentaine de bureaux, situés sur l’ensemble des continents. Le siège français regroupe environ un tiers des 3 500 collaborateurs de l’entreprise. Mon périmètre intègre la gestion de l’immobilier, des services généraux et aussi des voyages d’affaires, puisque notre fonctionnement à l’international implique des déplacements professionnels. C’est un poste que j’occupe depuis presque trois ans et il s’agissait d’une création. Ma mission a été de centraliser et structurer la fonction immobilière et d’établir les grands principes du workplace au sein de l’entreprise.

SCOR est en train de rénover son siège social, quelles sont les ambitions de ce projet ?

Effectivement, nous rénovons notre siège avenue Kléber à Paris, en milieu occupé, ce qui représente toujours un défi important. SCOR est propriétaire de l’immeuble que nous occupons en quasi-intégralité, à l’exception d’un plateau qui est loué. Ce projet répond à de fortes ambitions ESG, qui se matérialisent par le fait de viser trois certifications. Nous visons la Breeam IRFO, qui valide la qualité environnementale des rénovations et aménagements intérieurs et garantit par exemple le réemploi ainsi que le recyclage des matériaux et des déchets, et la Breeam In Use, qui concerne l’exploitation de l’immeuble. La dernière certification visée est Well, grâce à des politiques RH attentives au bien-être des collaborateurs. Le Well prend en considération 10 critères, comme la qualité de l’eau ou de l’air mais aussi la nutrition ou l’allocation d’un minimum de mètres carrés à des espaces bien-être. Ainsi nous allons créer des salles de sieste et des espaces où seront proposés des cours de sophro, de relaxation, de méditation ou de yoga. Nous avions déjà plusieurs certifications ISO qui visaient l’exploitation de l’immeuble.

Ce projet marque-t-il aussi une adaptation aux nouveaux modes de travail ?

Lors de mon arrivée il y a trois ans, la quasi-totalité des bureaux SCOR fonctionnaient avec des postes de travail attribués. Dans le cadre de la définition de ce qu’est le workplace chez SCOR, que j’ai menée, la doctrine est désormais au flex office. Nous le généralisons au fur et à mesure des échéances de nos baux et des déménagements qui sont induits. D’ici fin 2025, le flex sera déployé pour deux tiers de nos collaborateurs dans le monde. C’est donc le cas sur notre siège parisien dans le cadre de sa rénovation, et ce passage au flex va permettre de regrouper les équipes qui étaient présentes sur deux autres sites, un à Levallois, que nous libérons à l’automne, et un autre situé rue La Pérouse à Paris. Nous économiserons environ 20 à 25 % de surface, tout en offrant plus d’espaces collaboratifs et alternatifs.

Ce passage au flex office est-il accepté par les collaborateurs ?

Nous nous efforçons d’accompagner ce changement au mieux. À l’international, ce passage a pu se préparer par la visite de bureaux d’autres sociétés de notre secteur afin de montrer le potentiel qu’offrait une organisation en flex office en termes de qualité des environnements de travail. À l’échelle de notre secteur d’activité, l’assurance/réassurance, la plupart des acteurs ont adopté ce mode d’organisation ces dernières années. Nous avons eu de très bons retours dès les premières mises en œuvre. Au siège, nous avons sondé les utilisateurs d’un étage livré après un mois, et nous avons 46 % de « très satisfaits » et 44 % de « satisfaits », soit un taux de satisfaction de 90 % qui nous conforte dans notre approche. Il y a aussi un effet « boule de neige » : lorsqu’un projet est plébiscité par les collaborateurs, cela se sait rapidement dans les autres bureaux.

Quelle est votre approche en matière de services aux collaborateurs ?

Dans notre secteur, tous les acteurs se trouvent généralement dans une très grande proximité géographique, au cœur des quartiers d’affaires. La première chose que je fais lorsque je lance un projet, c’est de demander aux brokers immobiliers la cartographie de nos clients et de nos compétiteurs au sein d’une ville. Cela permet de répondre au besoin de proximité vis-à-vis de nos clients, qui sont souvent dans le même quartier, tout en nous conférant une attraction auprès des talents. Ces positionnements dans les centres urbains comprennent généralement des offres de services extérieurs déjà importantes. Cependant, cela ne nous empêche pas de proposer des aménités : dans notre siège avenue Kleber, bien que le quartier ne manque pas de restaurants, nous disposons d’une cantine opérée par Arpège, qui propose des prestations plutôt haut de gamme et qui sert aussi de lieu d’échanges et d’espace collaboratif en dehors des heures de repas. Nous disposons également d’une conciergerie et d’une association sportive, et nous réfléchissons à la mise en place d’autres services axés sur le bien-être. Notre enjeu des prochains mois consistera à coordonner l’ensemble de ces services pour offrir une vraie expérience de type hospitality aux collaborateurs, ce qui sera facilité par le déploiement d’une application avec Witco, qui permettra d’améliorer l’expérience utilisateur.

Quels sont vos autres chantiers du moment ?

En tant qu’entreprise et qu’assureur de la société dans son ensemble, SCOR s’impose de fortes ambitions ESG, en lien avec sa raison d’être et ses valeurs exprimées ainsi : « We care about clients, people and societies ». SCOR a notamment l’objectif d’être net zéro carbone en 2030 pour ses opérations c’est-à-dire essentiellement les voyages d’affaires et l’immobilier. L’atteinte de cette cible sera possible par l’attention accrue sur les performances des immeubles que nous choisissons, validées par des certifications ambitieuses, par de la compensation, mais aussi par beaucoup de pédagogie et de sensibilisation, notamment sur le travel. Par exemple, nous affichons les émissions CO2 de chaque trajet au moment de leur réservation, afin que les collaborateurs aient conscience de ce que leurs choix de déplacement impliquent.

Un autre sujet important que je traite actuellement, c’est le déménagement de notre deuxième plus grand bureau, à Londres, où nous avons environ 500 collaborateurs. Nous sommes aujourd’hui propriétaires de deux petits bureaux au cœur de la City, et nous allons déménager dans l’immeuble 8 Bishopsgate. La certification Breeam Outstanding a été le principal critère de choix de ce bâtiment et cela illustre ma conviction à propos du rôle des directeurs immobiliers tertiaires pour peser sur l’évolution de l’offre de bureaux à travers leur demande. Élever l’exigence sur la qualité des immeubles oblige mécaniquement les bailleurs à s’adapter. Par exemple, il est souvent d’usage de devoir remettre en état intégralement un bien immobilier en le libérant en Asie et de retirer revêtement de sol, cloisons, mobilier, etc. Ce prisme est par exemple très fort au Japon, où je demande aux brokers de me trouver des bureaux déjà existants et équipés, pour limiter l’empreinte carbone de mes projets immobiliers et tenter d’influer pour inverser cette tendance. En tant que directeur immobilier, je pense que nous avons le devoir de faire évoluer le marché positivement.

Et si on logeait nos salariés ?

Devant gérer les déplacements de certains collaborateurs entre ses implantations à travers le monde, SCOR se trouve, à l’instar d’autres entreprises, en situation de considérer l’hébergement de ses salariés en déplacement. « Nous avions des espaces de transit au siège, composés de chambres et douches attenantes. Cependant, cela pose des contraintes au sein des bureaux car cela s’apparente à une prestation hôtelière, avec une fiscalité spécifique et des déclarations administratives à effectuer. Nous avons donc décidé de démanteler ces espaces et nous passons par des accords avec un hôtel proche », explique Anne-Céline Beaussier. Fidèle à sa réputation d’agitateur d’écosystèmes, Républik invite les directions immobilières et les gestionnaires de patrimoine le 15 octobre à venir échanger et débattre sur le rôle qu’ils/elles peuvent jouer (ou non !) dans l’hébergement de leurs salariés.