Quelles sont les grandes tendances de l’immobilier de la fonction publique ?
Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier
A l’aide de ses analyses de marché, d’exemples concrets et d’entretiens qualitatifs avec des agents et responsables des organismes publics, JLL a étudié les évolutions en cours et attendues autour de la transition écologique et de l’hybridation des espaces de travail dans le secteur public. Portrait d’un secteur en pleine transformation.
Après avoir souligné, le rôle de l’immobilier comme puissant levier de transition environnementale et sociétale des entreprises, JLL s’est penché sur le secteur public. Fondée sur ses expériences, des entretiens ainsi que sur l’analyse d’environ 270 transactions référencées depuis 2018 sur l’ensemble du territoire national, cette nouvelle publication se penche sur le secteur public comme utilisateur de surfaces tertiaires (tels les Ministères, les Directions Générales/Régionales, les Conseils Régionaux, les Métropoles, Pôle Emploi, CPAM par exemple) et plus particulièrement sur les évolutions des modes de travail et des espaces de bureaux.
Devoir d’exemplarité
Avec près de 22,5 millions de surfaces tertiaires, l’immobilier est un enjeu crucial dans l’agenda climatique de l’Etat dans le but d’atteindre ses objectifs de réduction des consommations énergétiques et des émissions de CO2. En parallèle, l’environnement juridique et normatif s’étoffe avec des échéances ambitieuses pour lesquelles l’immobilier de l’Etat doit jouer un rôle moteur. Les efforts conduits en ce sens ont amené le gouvernement à investir, depuis 2019, plus de 3,8 milliards d’euros pour la rénovation énergétique de plus de 4 000 de ses bâtiments, souligne le conseil.
Par exemple, l’Etat compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré sur le territoire. Celles-ci accueillent plusieurs services administratifs et reçoivent du public. Elles datent pour la plupart des années 1960-1970 et leurs surfaces ne sont aujourd’hui plus fonctionnelles, ne répondant ni aux critères d’accueil du public et des conditions de travail des agents, ni aux critères écologiques attendus des bâtiments de l’Etat. Dans ce contexte, le programme 348 doit permettre de financer des travaux de restructuration immobilière pour 39 cités administratives, soit une surface d’environ 600 000 m². Ces travaux doivent permettre de diminuer de 50 % les émissions de gaz à effet de serre et de 66 % les coûts énergétiques. En outre, le regroupement de services au sein des cités permettra de libérer 240 bâtiments, soit 239 000 m² de locaux aujourd’hui loués ou détenus par l’Etat et génèrera, à terme, des économies de l’ordre de 40 millions d’euros par an.
« Le programme 348 a représenté jusqu’à 6 000 opérations pour un peu moins de 4 milliards d’euros et un gros retour qualitatif. Aujourd’hui, notre stratégie est de travailler à la fois les usages, l’exploitation-maintenance et l’investissement sur le bâti. Nous avons considéré que pour aller chercher les grosses économies d’énergie, 40 % des efforts doivent se faire via l’exploitation-maintenance et les usages, et 60 % sur l’investissement dans le bâti », témoigne Alain Resplandy-Bernard, directeur général de la Direction de l’Immobilier de l’Etat (DIE) dans l’étude de JLL.
Une transformation en adéquation avec l’importance croissante pour les agents publics d’avoir un impact positif sur la société et l’environnement, puisqu’environ 6 agents sur 10 expriment leur envie de travailler dans un lieu qui respecte les ressources naturelles et agit pour le climat.
Vers une nouvelle approche de l’espace de travail
Pour accélérer la transition énergétique, l’hybridation des espaces de travail est envisagée comme l’un des outils. Une étude est actuellement menée sur dix sites employant une centaine de personnes afin de mesurer les effets du télétravail sur la consommation énergétique des bâtiments.
La Direction de l’immobilier de l’Etat a en effet, depuis quelques années, lancé de nombreuses pistes d’évolution mettant en évidence de nouvelles attentes et de nouveaux besoins des agents. Les bureaux individuels ou partagés par un petit nombre de personnes, déjà fortement délaissés dans de nombreux secteurs, ne sont plus en adéquation avec ces attentes. Les agents, en quête d’un meilleur équilibre vie privée - vie professionnelle, sont plus à même de remettre en cause leurs anciennes pratiques de travail et d’accepter des changements qui leur paraissaient jusque-là impossibles.
« Le secteur public est multiforme avec des missions et des cultures différentes et l’on ne peut imaginer un modèle unique. Il est cependant nécessaire, dans le cadre de la sobriété immobilière, de renverser le modèle d’organisation vers plus de modularité et de flexibilité. Ces nouveaux modes de travail rendent le collectif et les échanges entre agents encore plus indispensables au bon équilibre et à l’efficacité des services. Les lieux de travail se doivent d’être adaptables à la multiplicité des usages et non contraignants pour les évolutions futures », explique Carine Lannoy-Marie, directrice du développement en charge du Secteur public & Administrations chez JLL.
L’attractivité des espaces de travail représente aussi un enjeu majeur pour le renouvellement des effectifs dans les administrations. Selon l’Insee, l’âge moyen des agents s’est accru d’un an et sept mois entre 2011 et 2019. Parmi les agents en poste fin 2019, environ 675 000 auront entre 62 et 65 ans d’ici fin 2027, soit plus de 12 % des effectifs actuels. Dans cette perspective de départs potentiellement massifs à la retraite, la question du renouvellement des agents publics se pose comme un enjeu majeur. Dans ce contexte, la prise en compte des nouvelles attentes autour de la qualité de vie et des conditions de travail est l’une des clés pour créer des lieux de travails inspirants et attractifs.
« Le bien-être au travail devient un prérequis et si la proximité d’une ligne forte de transports en commun apparait comme une nécessité, la présence de services, le design ainsi que la luminosité des locaux et l’ouverture à la nature apparaissent comme des souhaits forts. L’immobilier et les aménagements des espaces de travail font aujourd’hui partie intégrante de la marque employeur et des critères d’attractivité des nouveaux agents », commente Magali von Kanel, consultante Recherche Stratégie Immobilière chez JLL.
Un patrimoine en mouvement qui anime le marché des bureaux
Le marché immobilier tertiaire national est régulièrement nourri par les transactions du secteur public. Il représente en moyenne 210 000 m² annuels sur les cinq dernières années, toutes surfaces confondues, et 2 m² sur 10 sur le segment des grandes transactions en régions. Sur la période 2021-2022, le secteur public représente 14 % de la demande placée sur les principales métropoles sur le segment des grandes surfaces (> 1 000 m²).
Selon les transactions référencées par JLL depuis 2018 sur l’ensemble du territoire le secteur public représente totalise 270 mouvements référencés totalisant environ 1 050 000 m². Le panier moyen des opérations a légèrement progressé : d’une moyenne de 3 400 m² sur la période 2016-2019, il atteint désormais plus de 4 000 m², soit une hausse de 17 %. Le programme de rénovation de 38 cités administratives, explique en partie cette hausse.
Les mouvements du public ont nourri de manière plus importante les marchés de régions sur le segment des grandes transactions (> 1 000 m²). Cependant, ¾ des transactions et 57 % des m² commercialisés se réalisent en Ile-de-France du fait de la centralité de l’Etat français et de l’implantation des principaux et plus grands lieux de « pouvoir ».