L’Institut Paris Région relève l’important potentiel de la reconversion de bureaux en logements
Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier
Dans une récente note, L’Institut Paris Région dresse un état des lieux du potentiel de reconversion des bâtiments d’activités et de bureaux en logement en Île-de-France. Entre freins réglementaires persistants et logiques économiques encore divergentes, les marges de progression sont bien réelles.
C’est une des solutions brandies par certains acteurs de l’immobilier pour répondre à plusieurs enjeux (crise du logement, avenir des bureaux obsolètes, artificialisation des sols). De ce fait, la reconversion d’immeubles tertiaires en logements se trouve dans un contexte porteur. L’Institut Paris Région, agence d’urbanisme dont les travaux aide à la décision du conseil régional, a produit une note sur ce sujet, interrogeant le potentiel que représente la reconversion.
Des freins structurels
Malgré son statut de solution multiple et un contexte réglementaire en partie porteur, avec notamment le dispositif Eco-Energie tertiaire qui impose des travaux de rénovation pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone, la reconversion demeure tributaire de plusieurs freins structurels. En premier lieu, L’Institut relève les divergences de logiques économiques. « À surface donnée, les bâtiments d’activités génèrent globalement davantage de recettes fiscales que les logements et pèsent bien moins sur les services publics locaux. Sur un plan technique, les caractéristiques du bâtiment telles que son gabarit, la nature de sa façade, la structure du gros œuvre ou la présence d’amiante, notamment, affectent considérablement la faisabilité d’une opération. Les études techniques et architecturales préalables sont dès lors aussi cruciales que coûteuses avant d’engager les projets », souligne l’agence d’urbanisme.
La transformation de bâtiments d’activités n’a donc représenté jusqu’ici qu’environ 3 % de l’objectif légal de 70 000 logements à produire chaque année en Île-de-France.
En outre, « chaque opération étant singulière, l’industrialisation de ces transformations reste limitée et la part d’imprévus importante ». Tous ces facteurs renchérissent le coût de revient des opérations de transformation par rapport à celles de destruction-reconstruction. Le dernier clou dans le cercueil de l’équation économique de la reconversion est que les maîtres d’ouvrage pâtissent d’une perte de surfaces commercialisables par rapport aux bâtiments initiaux une fois que sont mises en place des cloisons séparatives des logements et la création des parties communes.
1 900 logements par an
D’après L’Institut Paris Région, les opérations de transformation en faveur du logement ont représenté en moyenne environ 1 900 logements par an entre 2013 et 2021. « Les données actuellement disponibles ne laissent pas encore deviner d’expansion notable de la production du secteur. La transformation de bâtiments d’activités n’a donc représenté jusqu’ici qu’environ 3 % de l’objectif légal de 70 000 logements à produire chaque année en Île-de-France, fixé par la loi Grand Paris de 2010 », précise les auteurs de la note.
En termes de localisation, deux tiers des logements issus de reconversions sont situés à Paris et en petite couronne. Paris se démarque nettement, avec en particulier un nombre important d’opérations recensées depuis 2013 dans les 19e (770 logements autorisés en 18 opérations), 20e (679 logements, 21 opérations), 13e (606 logements, 10 opérations) et 14e (536 logements, 15 opérations) arrondissements.
En petite couronne, outre Suresnes dans l’Ouest parisien (634 logements, 11 opérations), une bande de production ressort particulièrement dans la partie sud-est de l’agglomération, caractérisée par des opérations de taille importante, entre Créteil (440 logements en 2 opérations seulement), Champigny-sur-Marne (407 logements en 4 opérations) et surtout Noisy-le-Grand, le principal pôle francilien en matière de reconversions sur la période écoulée (847 logements en seulement 4 opérations). Par ailleurs, quelques pôles de moindre envergure se distinguent en grande couronne, à l’instar de Cergy (262 logements en 5 opérations) ou Versailles (228 logements en 13 opérations).
Reconvertir les bureaux : un enjeu complexe
Sur l’ensemble des bâtiments d’activités reconvertis en logements, les surfaces de bureaux ont été à l’origine d’une majorité des logements produits sur la période 2013-2021 (53 %) - suivies de loin par les surfaces hôtelières et les anciens bâtiments publics (respectivement 15 % et 14 %). « Bien que détenues par des acteurs privés et présentant des configurations initiales généralement inadaptées à un usage résidentiel, les surfaces de bureaux obsolètes constituent un enjeu spécifique et incontournable pour le développement des reconversions en Île-de-France », abonde L’Institut Paris Région.
Cependant, les tendances à l’œuvre sur les marchés tertiaires (travail hybride, flex office) pourraient accélérer les choses. En 2020-2021, la part des surfaces de bureaux dans le total des conversions a atteint 65 % des logements produits. Les entreprises optimisant leurs stratégies immobilières, la vacance sur le marché des bureaux francilien connaît une nette augmentation, passant de 2,6 millions de mètres carrés fin 2019 à environ 4,4 millions de mètres carrés à la mi-2022. Certains immeubles pâtissent ainsi d’une vacance dite « durable », essentiellement localisés en petite et en grande couronnes. « Plus que jamais, ils apparaissent comme un réservoir mobilisable pour faciliter la production de logements, et l’ensemble des grands promoteurs nationaux prospectent désormais massivement ces immeubles potentiellement transformables », indique L’Institut Paris Région.
La vacance sur le marché des bureaux francilien connaît une nette augmentation, passant de 2,6 millions de mètres carrés fin 2019 à environ 4,4 millions de mètres carrés à la mi-2022.
« Les bureaux demeurent un produit d’investissement attractif, et ceux partiellement ou totalement vacants, s’ils présentent des marges de valorisation importantes en cas de rénovation, continuent le plus souvent d’attirer des investisseurs value-added, en particulier au sein des marchés prime, c’est-à-dire les plus centraux et valorisés. Le gisement d’immeubles de bureaux reconvertibles demeure donc mouvant, et la transformation en logements s’avère ainsi une option parmi d’autres pour les propriétaires », tempère L’Institut Paris Région. Et même lorsqu’un bâtiment de bureaux est finalement remplacé par du logement, la reconversion du bâti existant est encore loin d’être l’option majoritairement retenue. Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, depuis le début des années 2010, la démolition-reconstruction a finalement été privilégiée dans 80 à 85 % des opérations concernées.
Afin de favoriser le développement de la reconversion, L’Institut Paris Région met en avant plusieurs pistes à creuser. « Pour les bâtiments neufs, la question du potentiel de réversibilité des bâtiments devrait désormais être posée dès l’étape de conception. Concernant l’évolution du bâti existant, où se concentre l’essentiel des enjeux actuels, il y a nécessité à mieux intégrer cette problématique aux documents de planification et d’urbanisme. Enfin, ces évolutions devront s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la place respective à donner à l’ensemble des usages, tant résidentiels qu’économiques, qui contribuent au fonctionnement de la métropole francilienne », cite L’Institut Paris Région. Bien que ce mode de production n’ait pas vocation à être prédominant en Île-de-France, l’agence d’urbanisme estime qu’il est toutefois tout à fait envisageable de doubler sur le court terme les niveaux de production observés jusqu’ici.