Stratégies

[SYNTHESE] Malgré un certain rattrapage, le marché francilien de bureau reste en retrait

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

A la lumière des derniers chiffres communiqués par ImmoStat pour le troisième trimestre 2023, le marché francilien de bureau enregistre un rattrapage, porté par quelques grandes transactions. En revanche, le Groupement d’Intérêt Economique réunissant BNP Paribas Real Estate, CBRE, JLL et Cushman & Wakefield ne peut que constater l’effondrement de l’investissement.

Au 3e trimestre 2023, la demande placée de bureau en IDF a diminué de 12 % par rapport à l’an passé. - © Getty Images/iStockphoto
Au 3e trimestre 2023, la demande placée de bureau en IDF a diminué de 12 % par rapport à l’an passé. - © Getty Images/iStockphoto

Les trimestres se suivent et se ressemblent un peu. À la fin du mois de septembre 2023, la demande placée de bureaux en Ile-de-France s’élève à 1 351 600 m², soit une baisse de 12 % par rapport à la fin du mois de septembre 2022, selon les chiffres communiqués par le GIE ImmoStat, regroupant BNP Paribas Real Estate, CBRE, JLL et Cushman & Wakefield. Le 3e trimestre totalise à lui seul 484 800 m², s’inscrivant ainsi en continuité par rapport au 3e trimestre 2022.

« Le faible niveau de croissance économique (+ 0,9 % anticipé pour 2023 par la Banque de France) et les logiques d’optimisation des coûts et de réductions surfaciques, notamment de certains grands groupes, continuent de freiner l’activité. Le marché reste néanmoins relativement résilient au regard de ce contexte », se rassure Alexandre Fontaine, Executive Director Bureaux IDF de CBRE.

Une résilience que les brokers soulignent dans un certain rattrapage pour un troisième trimestre, principalement porté par des transactions importantes enregistrées.

« La demande placée de bureaux en Île-de-France est en baisse de seulement 12 % sur un an contre 39 % à la fin du 1er trimestre, analyse Éric Siesse, directeur général adjoint en charge du pôle Bureaux Location Île-de-France de BNP Paribas Real Estate Transaction France. Après un début d’année timide (-69 % sur un an), le marché des grandes surfaces (> 5 000 m²) comble une grande partie de son retard au 3e trimestre avec 17 transactions, dont la récente prise à bail par France TV de 9 500 m² dans l’immeuble Seine Ouest (Paris 15e). Au total, nous recensons plus de 419 000 m² sur 40 opérations depuis le début de l’année (-7 % sur un an). Cette dynamique devrait se poursuivre au 4e trimestre, où nous recensons une vingtaine d’opérations en cours de négociation. Le niveau des grandes recherches exprimées en Île-de-France reste solide à septembre avec 108 projets pour un volume de plus de 1,1 million de mètres carrés recensés par nos équipes et devrait venir alimenter le volume de la demande placée au cours des prochains trimestres », complète Eric Siesse.

De son côté, le créneau des petites et moyennes surfaces (moins de 5 000 m²) affiche, avec 932 000 m² placés, une baisse de 14 % sur un an.

Alimentés par plusieurs des transactions importantes de plus de 5 000 m², le Croissant Ouest et les premières couronnes se démarquent des autres pôles tertiaires avec respectivement 283 000 m² (-6 % sur un an) et 202 000 m² (-1 %) placés sur neuf mois. De son côté, Paris QCA confirme son attractivité avec un volume global de près de 295 000 m², mais reste pénalisé par le manque d’offre disponible (2 % de vacance immédiate à fin septembre). Paris hors QCA affiche une baisse plus importante (-23 % sur un an) en grande partie due au segment des grandes surfaces (-33 %). De son côté, malgré la belle dynamique sur le marché des petites et moyennes entreprises (+27 % sur un an), La Défense affiche une baisse globale de la demande placée avec 115 000 m² (-20 %).

« Sur ces trois derniers mois, la demande placée des grands utilisateurs s’homogénéise davantage sur l’ensemble du territoire avec quatre signatures comptabilisées dans Paris Sud et six transactions dans le Croissant Ouest. Hors Paris intra-muros, l’enseignement et le secteur public ont été très actifs au cours de ce trimestre, détaille Alexandre Fontaine. Cette meilleure répartition de l’activité sur le > 5 000 m² ne doit pourtant pas cacher une tendance de fond. Le marché des bureaux en Ile-de-France est aujourd’hui très polarisé avec des mouvements qui se concentrent surtout sur les marchés tertiaires les plus établis et les mieux connectés. Un marché des bureaux à plusieurs visages qui devrait perdurer... Une vingtaine d’opérations > 5 000 m² sont attendues d’ici la fin de l’année dont près de la moitié se signerait dans Paris intra-muros. A fin 2023, la demande placée devrait ainsi s’orienter autour d’1,9 million de m² avec près de 60 transactions > 5 000 m² », anticipe CBRE.

L’offre immédiate loin de tarir

D’après ImmoStat, l’offre immédiate de bureaux en Ile-de-France au 30 septembre 2023 s’établit à 4 633 000 m², en hausse de 13 % par rapport à son niveau il y a un an, sous l’effet conjoint de livraisons de programmes neufs/restructurés en attente de commercialisations mais surtout de libérations de surfaces en état d’usage. Le taux de vacance se positionne ainsi à 8,3 %. La dynamique de cette offre reste inchangée, avec une vacance qui continue de se réduire dans les secteurs déjà tendus, à l’instar de Paris QCA (1,9 % de vacance) et Paris 3/4/10/11 (2,3 %), et d’augmenter dans les secteurs déjà en suroffre tels que Péri-Défense (22,3 % de vacance) ou les premières Couronnes (15,6 % au global). Cette situation accentue la segmentation du marché et des valeurs.

« On observe depuis peu, dans les secteurs les plus tendus, une compétition accrue entre les utilisateurs, rendant les négociations incertaines jusqu’à la signature des baux. Au regard du faible choix d’immeubles qui s’offrent à elles, les entreprises se décident vite, commente Marie Martins, directeur Tenant Representation France chez JLL. Le segment le plus concerné est celui des surfaces comprises entre 5 000 et 10 000 m², pour lesquelles l’offre immédiate est particulièrement faible et qui ne peuvent s’installer dans des opérations de taille plus grande, non ouvertes à la division au début de la commercialisation. Cette situation participe au maintien de valeurs locatives historiquement élevées », souligne-t-elle.

Des loyers moyens historiquement élevés

Sur la base des transactions ayant eu lieu au cours du trimestre, le loyer facial des bureaux atteint en moyenne 435 € HT HC/m²/an pour les biens de seconde main, soit une hausse de 1 % sur un an, et 431 € HT HC/m²/an pour les biens neufs ou restructurés, en hausse également de 1 % sur un an. Les clivages se cristallisent puisque les loyers faciaux continuent de progresser dans les secteurs les plus établis de Paris pour des surfaces neuves/restructurées/rénovées, mais aussi en état d’usage.

« Avec un ILAT en hausse de 6,5 % sur un an au 2e trimestre 2023, l’inflation va continuer de tirer les loyers à la hausse dans les secteurs peu offreurs. En périphérie, les dynamiques sont plus contrastées. L’abondance de l’offre freine les progressions de valeurs, même si certains actifs prime parviennent à sortir du lot. Au sein d’un même territoire, on constate de fortes divergences entre les loyers neufs et en état d’usage », précise Alexandre Fontaine.

Cette configuration de marché se traduit dans les valeurs locatives avec des loyers moyens historiquement élevés dans la quasi-totalité des marchés parisiens et un loyer prime désormais positionné à 960 €m²/an à Paris QCA, tandis qu’en périphérie, la plupart des loyers sont orientés à la baisse d’un trimestre sur l’autre.

L’investissement dévisse

En France, le montant global des investissements en immobilier d’entreprise au 3e trimestre 2023 atteint 2 milliards d’euros, soit une baisse de 74 % par rapport au 3e trimestre 2022. Le volume arrêté du montant de l’investissement depuis le début de 2023 s’établit ainsi à 8,7 milliards d’euros, en baisse de 57 % par rapport au même cumul l’an dernier. En Ile-de-France, le montant global des investissements en immobilier d’entreprise pour le 3e trimestre 2023 est de 1,1 milliards d’euros, soit une baisse de 78 % par rapport à fin septembre 2022. Le volume arrêté du montant de l’investissement depuis le début de 2023 s’établit ainsi à 5,5 milliards d’euros, en baisse de 56 % par rapport au même cumul l’an dernier. Le prix moyen des bureaux achetés en Ile-de-France au cours du 3e trimestre 2023, tous types confondus, s’élève à 6 930 €/m² (droits inclus) ce qui représente une baisse de 16 % sur un an.

« Depuis plusieurs trimestres, les remontées successives des banques centrales se font ressentir et certains investisseurs revoient leurs stratégies d’allocation entre les différents actifs. En parallèle, les ajustements en cours des taux entre les attentes des acquéreurs et vendeurs figent toujours le marché. Dans ces conditions, le volume d’investissement en immobilier commercial en France devrait se situer autour de 15 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2023, soit un niveau proche des volumes recensés sur la période 2010-2011 », analyse Olivier Ambrosiali, directeur général adjoint, en charge du pôle Vente et Investissement de BNP Paribas Real Estate Transaction France.

Toutefois, des frémissements sont perceptibles au niveau de l’activité : les récentes recommandations de l’AMF, la meilleure acceptation d’un environnement de taux higher for longer ou encore la nécessité de retrouver de la liquidité ont déclenché quelques premières prises de décision.

« Certains vendeurs sont plus enclins à se confronter à la réalité du marché, même s’ils s’arrêtent parfois en cours de route. Les propriétaires ont passé un nouveau cap cet été et les volumes mis à la vente devraient augmenter dans les mois qui viennent, progressivement mais sûrement », précise Nicolas Verdillon, Managing Director Investment Properties chez CBRE.

Les brokers notent par ailleurs une nette baisse du lot moyen, passé de 48 millions d’euros il y a un an à 40 millions, un niveau jamais observé hormis en 2009 (30 millions) et 2010 (38 millions), point bas du marché lors de la précédente crise. Les transactions de taille plus significative voient leur performance reculer de 67 % avec seulement 2,3 milliards d’euros investis à travers 11 signatures (vs 32 pour un volume de 7,1 milliards d’euros un an plus tôt). L’été a été particulièrement calme sur ce segment avec seulement deux transactions, toutes deux au sein du secteur Paris 12/13 : l’acquisition par Allianz Immovalor de l’immeuble Life, 9 800 m² loués par VYV auprès de Lasalle Investment Management, et celle par Covea de l’immeuble Vivacity auprès d’Amundi.

D’un point de vue géographique, le secteur de Paris Sud arrive en tête des engagements (26 %) avec 16 transactions pour un montant total de plus d’1,4 milliard d’euros. Les ventes d’Italie 2, d’Apollo, Life et Vivacity ont largement participé à ce résultat. L’activité au 3e trimestre a été bien moins animée dans le QCA qui arrive en deuxième position avec près d’1,2 milliard d’euros investis depuis le début de l’année via 22 transactions dont 3 de plus de 100 millions d’euros. Parmi les principales opérations de l’été, notons la cession par AXA d’un immeuble sis 1 avenue Franklin Delano Roosevelt dans le 8e arrondissement. Dans le Croissant Ouest (19 % de l’activité), l’essentiel de l’activité repose sur l’opération sur la tour Sequana ou encore la récente opération structurée par Icade et JP Morgan sur City Park à Levallois-Perret.

« Il ne fait aucun doute que 2023 figurera parmi les années les plus difficiles pour le marché français de l’investissement. Le résultat ne devrait en effet que très peu s’améliorer au 4ème trimestre au regard des opérations sécurisées, avec un volume qui devrait être compris entre 8 et 10 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année 2023 en Ile-de-France, et entre 13 et 15 milliards d’euros en France. Le retour d’un certain pragmatisme chez les vendeurs, l’arrivée de nouveaux investisseurs tels que des privés fortunés ou des family offices et une meilleure visibilité sur les taux constituent néanmoins des signaux encourageants quant à l’année 2024, pour laquelle nous anticipons, hors événements exogènes, des volumes au moins équivalents à ceux de 2023 », Stephan von Barczy, directeur du Département Investissement de JLL.

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