Stratégies

Union Investment : « L’utilisateur est plus que jamais au cœur de nos attentions »

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Cet article est référencé dans notre dossier : Worknight 2024 : retracez la 3e édition des trophées du Future of Work

Membre du jury Worknight 2024, Tania Bontemps a accordé une interview à Républik Workplace Le Média. L’occasion pour la présidente d’Union Investment Real Estate France de parler de la stratégie de l’investisseur allemand, et de ses convictions sur l’avenir du marché de bureau.

Tania Bontemps, présidente d’Union Investment France. - © wwww.ledroitperrin.com
Tania Bontemps, présidente d’Union Investment France. - © wwww.ledroitperrin.com

Que représente le patrimoine immobilier d’Union Investment en France ?

Union Investment France dispose d’environ 4 milliards d’euros d’actifs sous gestion, principalement situés en région parisienne et dans le centre de Paris. Nous avons effectué quelques transactions en régions, à l’image d’une récente acquisition à Lyon, et nous étions déjà à Lille, Limoges et Marseille. Ce portefeuille est constitué principalement de bureaux (65 %). Dans le monde et en Europe, Union Investment cherche à diversifier ses investissements, tandis qu’en France nous avons connu peu de rotation sur nos actifs et nous poursuivons donc une stratégie axée sur le segment des bureaux premium dans le QCA parisien. Cependant, si des opportunités intéressantes se présentent, nous pouvons aussi nous positionner sur des actifs résidentiels et logistiques.

En 2022, Union Investment annonçait vouloir digitaliser vos process. Est-ce toujours un objectif en cours ?

Oui, plus que jamais, car c’est un projet sur quatre ans, nous sommes donc à mi-chemin. Plusieurs millions d’euros ont déjà été investis pour digitaliser tous nos process internes. Cette volonté est partie d’un constat : nous disposons d’une grande quantité de données, mais celles-ci ne sont pas utilisables de manière automatisée et il fallait donc la traiter manuellement pour pouvoir l’intégrer dans des livrables (présentations, business plans, stratégie des fonds etc.). Cela constitue une perte de temps à valeur ajoutée et nous fait perdre en efficacité, d’où cette stratégie de numérisation lancée en 2022. En outre, les différents services - investissement, project management, asset management - travaillent avec leurs propres datas, sans interface entre eux. A date, nous avons fait beaucoup d’avancées sur les process de signatures et de validation des opérations qui sont aujourd’hui digitalisés. Il nous arrive de signer avec des locataires sans les avoir rencontrés physiquement, ce qui était encore impensable quelques années en arrière !

Dans un futur proche, les méthodes artisanales seront obsolètes et ceux qui auront opéré cette transition auront un avantage comparatif sur leurs concurrents.

L’objectif à terme est d’être capable d’avoir toutes les informations utiles sur un locataire, qui aujourd’hui sont dispersées auprès de plusieurs sources, en une fiche de synthèse numérique : le résumé et l’échéance de son bail, les surfaces qu’il occupe, les investissements que nous avons réalisés dans ces surfaces, ceux que le locataire a réalisés, sa consommation d’énergie, les surfaces qu’il utilise et celles qu’ils n’utilisent pas, le montant du loyer, l’historique de ses demandes… Le but étant d’avoir une connaissance à 360° des occupants de notre patrimoine et avoir accès aux indicateurs financiers et opérationnels en temps réel. Je crois que cela est nécessaire, car dans un futur proche, les méthodes artisanales seront obsolètes et ceux qui auront opéré cette transition auront un avantage comparatif sur leurs concurrents. Et cela ne veut pas dire que l’on perd l’aspect humain ! Je préfère simplement prendre un café au détour d’un échange sur un sujet stratégique que pour le prétexte d’une demande d’information basique.

Dans un contexte de marché délicat, quels sont les marqueurs forts de votre stratégie d’investissement ?

Les investisseurs immobiliers naviguent effectivement dans un environnement très compliqué, puisque la période inflationniste n’est pas terminée. Nous attendons une stabilisation des taux peut-être pour la deuxième partie de l’année 2024, mais, pour le moment, je constate des coûts très élevés, pour la construction et les CAPEX. Ceux-ci sont compensés heureusement par des loyers qui grimpent eux aussi, mais essentiellement sur les actifs prime. La localisation reste donc le facteur principal dans nos choix. Cependant, ce critère ne suffit plus aujourd’hui, il est aussi nécessaire de proposer aux utilisateurs des immeubles serviciels et conformes aux normes ESG, paramètre relevant aussi de notre volonté de disposer d’un patrimoine à l’empreinte écologique maîtrisée. En effet, l’utilisateur est plus que jamais au cœur de nos attentions. Et il s’implique de plus de plus en plus tôt dans les projets immobiliers, parfois avant même que nous ayons déposé le permis de construire d’un bâtiment ! La tendance à rechercher des bureaux haut de gamme dans des lieux centraux est un symptôme de la volonté de donner envie aux salariés de venir sur site et d’être attractifs pour les talents et les retenir.

Ces attentes des utilisateurs ne sont pas sans conséquences sur le marché immobilier de bureaux francilien ?

Effectivement, car dans ce triptyque localisation-services-ESG que demande les entreprises, nous sommes confrontés à une raréfaction très palpable de ces produits. Par conséquent, sur les 4,5 millions de mètres carrés en région parisienne, 30 % sont, de fait, obsolètes. Cela entraîne mécaniquement une hausse des loyers, et pose une question : à terme, qui aura les moyens de s’offrir un mètre carré à 800, 900 voire 1 000 euros ?

Certaines destinations de banlieue sont encore ressenties comme une « punition ».

La logique des entreprises créée un clivage grandissant entre le QCA et la périphérie. À l’heure actuelle, certaines destinations de banlieue sont encore ressenties comme une « punition » et des « secondes zones », notamment en termes de temps de transport. C’est un état d’esprit encore très ancré chez pas mal de décideurs. 

Mais à un moment donné, il n’y aura tout simplement plus de bureaux disponibles dans le centre de Paris, et les entreprises devront s’implanter au moins en première couronne. Je pense qu’il existe une belle offre dans les proches banlieues de Paris, que ce soit à Levallois, Boulogne-Billancourt ou même à La Défense, où les infrastructures d’équipements et de transports sont de qualité. Je crois qu’un rééquilibrage s’effectuera de fait, à l’image de ce qu’on peut observer dans les besoins de surfaces. Certains utilisateurs qui ont réduit drastiquement leur empreinte immobilière au plus fort de la crise sanitaire, quand le télétravail était un peu plus pratiqué, constatent aujourd’hui que leurs collaborateurs sont un peu à l’étroit et ils doivent gérer cela. La prise à bail de bureaux annexes en périphérie peut, justement, constituer une réponse à ces problématiques.

À un moment donné, il n’y aura tout simplement plus de bureaux disponibles dans le centre de Paris.

En investissant justement dans des actifs prime, ne considérez-vous pas avoir une part de responsabilité dans le creusement du fossé entre centre-ville et périphérie ?

Il est important de préciser que le patrimoine d’Union Investment France comporte des actifs situés en périphérie, notamment à Boulogne et à La Défense. Nous n’avons pas que des bureaux prime ! Sur ces immeubles en banlieue, nous fournissons des efforts importants pour les rendre serviciels, afin que les locataires ne se sentent pas déclassés. Néanmoins, lorsque nous rencontrons des difficultés à les louer, nous cherchons d’autres solutions, notamment la transformation en logement, en coliving ou en résidence hôtelière. La difficulté, c’est que de telles opérations ne sont souvent pas viables économiquement, car parfois elles supposent de diviser les revenus locatifs et la valeur de l’actif par deux. Or, l’argent que nous investissons appartient à des petits porteurs qui placent leur épargne, et nous avons une responsabilité vis-à-vis d’eux aussi.

En outre, ce sujet nécessite aussi un appui des pouvoirs publics, notamment des mairies, qui sont parfois réticentes à l’idée de créer des logements en lieu et place de bureaux. Cette responsabilité, je ne la nie pas, mais nous la portons collectivement avec tous les acteurs de la ville.

La mixité d’usages sur les immeubles est-elle aussi une réponse aux enjeux actuels de la ville ?

C’est une des finalités possibles. Cela doit cependant être encadré et se faire en concertation avec l’occupant, car la cohabitation de plusieurs usages pose des questions de sécurité et encadrement notamment. À mon sens, il ne faut pas aller vers des extrêmes où chacun peut aller et venir comme il l’entend, mais sous réserve que les pratiques soient encadrées et que l’immeuble s’y prête, la mixité d’usages est une des réponses aux besoins des villes.


Tania Bontemps fait partie du jury Worknight 2024. Pour assister à la cérémonie et avoir l’opportunité d’aller à sa rencontre, inscrivez vous ici

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