Stratégies

Comment Paris peut maintenir son attractivité pour les investisseurs immobiliers ?

Par Alexandre Foatelli | Le | Immobilier

Coproduite par Urban Land Institute (ULI) et PwC, la dernière édition de l’étude Emerging Trends in Real Estate confirme les craintes de l’industrie immobilière au sujet du contexte économique. Cependant, elle illustre aussi les opportunités du marché français, qui se distingue notamment sur les bureaux flexibles et le segment des Life Sciences.

La France peut notamment capitaliser sur les bureaux flexibles pour attirer les investisseurs. - © Getty Images/iStockphoto
La France peut notamment capitaliser sur les bureaux flexibles pour attirer les investisseurs. - © Getty Images/iStockphoto

D’après les résultats de la dernière étude européenne Emerging Trends in Real Estate, réalisée conjointement par Urban Land Institute et PwC, 75 % des dirigeants de l’industrie immobilière reconnaissent que les valorisations actuelles « ne reflètent pas avec précision » tous les défis et opportunités de l’immobilier. En outre, les incertitudes et craintes de voir la situation se dégrader sont exprimées par un grand nombre des 1 000 dirigeants européens du secteur interrogés dans le cadre de l’étude. Un contexte morose qui se poursuit depuis 2020 et la crise sanitaire : MSCI a ainsi enregistré une baisse de 42 % du nombre de transactions immobilières par rapport à la moyenne préCovid (2015 - 2019).

Malgré la faiblesse de la croissance économique en Europe et par la « crainte réaliste » d’une récession imminente, l’étude montre que la confiance est plus forte cette année que l’an dernier puisqu’un tiers des personnes interrogées se déclarent « optimistes quant à l’augmentation de la rentabilité en 2024 » (+ 8 %).

« Notre étude pointe les défis complexes auxquels l’immobilier européen est confronté et le sentiment que le secteur est au bord d’un sérieux ralentissement de la demande sur les principaux marchés de bureaux. Les avis sont partagés quant aux conditions nécessaires à la reprise du marché. Stabilisation des taux d’intérêt, atterrissage en douceur de l’économie et baisse des taux d’intérêt pour rétablir l’équilibre des rendements auront un impact, tout comme les taux de refinancement, entraînant une plus grande inquiétude en raison de l’augmentation des coûts de financement ainsi que les investissements nécessaires à la mise en place des actifs adaptés dans des circonstances difficiles et incertaines », commente Lisette van Doorn, CEO d’ULI Europe.

Londres et Paris toujours en tête des villes les plus attractives

Avec autant d’incertitudes, naturellement les investisseurs immobiliers sont plus prudents que jamais sur la manière et le choix des implantations où déployer leurs capitaux en Europe. Pour bon nombre d’entre eux, cela signifie cibler les villes qui offrent le plus de liquidité dans les périodes plus risquées, et sans surprise Londres et Paris occupent de nouveau les deux premières places dans le classement des villes de cette étude. Ces deux villes comptent pour 15 % des volumes globaux de transactions des neuf premiers mois de 2023. La prime à la liquidité liée à la performance économique est mise en avant pour les autres villes dans le top du classement annuel, expliquant les positions de Madrid (3e), Milan (6e) et Lisbonne (8e).

Classement des villes les plus attractives en 2024 selon les investisseurs - © Emerging Trands in Real Estate 2024
Classement des villes les plus attractives en 2024 selon les investisseurs - © Emerging Trands in Real Estate 2024

Toujours bien placées, les villes allemandes comme Berlin (4e), Munich (7e), Francfort (9e) et Hambourg (11e) ont baissé dans le classement en termes d’investissements et potentiel de développement. En effet, les perspectives économiques moroses pour l’Allemagne en 2024 influencent cette perception pour des villes qui étaient jusque-là considérées comme des refuges sûrs pour les capitaux. Selon Oxford Economics, les villes allemandes sont confrontées à des perspectives de croissance du PIB de seulement 0,1 % en glissement annuel pour 2023. Par conséquent, les données de MSCI montrent que les volumes d’investissement en Allemagne ont baissé de 55 % sur les neuf premiers mois de 2023 (en glissement annuel). Parmi les personnes interrogées, certaines évoquent aussi que les prix de l’immobilier en Allemagne, ont été plus lents à s’adapter que dans la majeure partie de l’Europe.

L’ESG continue d’être au cœur de l’industrie immobilière

Dans le même temps que l’industrie subit un marché soumis à des pressions inflationnistes et des taux d’intérêt élevés, 80 % des personnes interrogées dans le cadre de cette étude s’accordent sur le fait que les critères ESG entraîneront des conséquences sur les valeurs d’expertise dans les 12 à 18 prochains mois. À plus long terme, les dirigeants de l’industrie immobilière estiment que les sujets liés aux critères ESG seront ceux qui auront le plus d’impact sur l’immobilier à l’horizon 2050.

Directement liée à cette attention accrue portée aux exigences en matière de durabilité, les grandes tendances au niveau mondial que sont le changement climatique, la digitalisation et la démographie sont considérées comme des moteurs de l’appétit des investisseurs pour les secteurs alternatifs. Ainsi, l’étude montre que les infrastructures énergétiques, les data centers et la santé sont les secteurs les plus susceptibles d’inciter les professionnels de l’immobilier à investir.

En France, l’introduction du PLU bioclimatique à Paris a été accueillie avec des opinions mitigées en raison de son impact perçu sur l’investissement. Celui-ci devrait avoir un impact profond sur le parc de logements sociaux, ainsi que sur la santé financière des investisseurs pour les futures transactions immobilières, en raison des exigences en matière de capacité de logement qui engagent les vendeurs potentiels de biens immobiliers dans les zones désignées dans le PLU. Cette nouvelle législation de planification a la capacité de stimuler l’accessibilité de l’investissement à Paris, mais laisse aussi sceptique quant à son impact sur l’attractivité de l’investissement immobilier.

En parallèle, les espaces de bureaux premiums dans les quartiers d’affaires tels que La Défense, qui répondent aux exigences croissantes en matière d’ESG, attirent grandement les investisseurs et promoteurs, séduits par l’argument de la durabilité des actifs. Paris en particulier semble avoir mieux résisté au du phénomène du télétravail avec des taux d’occupation en moyenne légèrement supérieurs à d’autres villes européennes (notamment Londres), rendant ainsi la demande d’espaces de bureaux premiums, conformes aux normes ESG, plus attrayante pour les investisseurs potentiels à court et moyen terme.

Les spécificités françaises

De manière générale, les investisseurs et les promoteurs considèrent la France comme une opportunité particulièrement attrayante pour trois secteurs principaux : les bureaux flexibles (flex offices), le coliving et le secteur des sciences de la vie (Life Sciences). Cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment les taux d’occupation élevés des espaces de bureaux, le manque de logements abordables dans les villes clés et le pari de plusieurs milliards d’euros du gouvernement d’investir dans l’industrie des sciences de la vie en France.

En répartissant les opportunités par secteur immobilier, les conclusions de l’étude indiquent cette année que la France s’écarte modérément de la tendance générale européenne. Les sciences de la vie et le flex office semblent être des opportunités spécifiques à la France, puisqu’aucun de ces deux secteurs n’est considéré comme particulièrement attractif d’un point de vue paneuropéen. Par conséquent, cela constitue une opportunité et une force potentielle pour la France, car les capitaux pourraient être investis dans des actifs alternatifs.

« Dans un contexte géopolitique international incertain, un marché immobilier complexe, les craintes ne doivent pas nous empêcher d’être créatifs, d’échanger pour trouver ensemble des solutions aux besoins de logements, de bureaux adaptés aux changements des modes de vie et de travail, tout en recherchant de la performance financière, sociale et environnementale. C’est l’une de nos missions chez ULI », conclut Eric Donnet, président de ULI France et directeur général de Groupama Immobilier.

La France peut en tout cas capitaliser sur ses atouts pour surpasser cette période délicate.

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