Télétravail, localisation, contrats… à quoi ressemble le marché de l’emploi du jeu vidéo en France ?
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
L’observatoire de l’emploi du jeu vidéo, édité par l’Agence française pour le jeu vidéo (AFJV) avec le soutien de l’établissement d’enseignement Gaming Campus, a publié son édition 2023. Grâce aux données récoltées, celle-ci éclaire sur les pôles d’attractivité géographique de ce secteur, les modalités d’organisation du travail et de statut des salariés.
Si le climat économique global n’est pas au beau fixe, l’industrie du jeu vidéo poursuit son développement sur le territoire français, en affichant une stabilité dans le nombre d’entreprises présentes sur le territoire (+1,7 % entre 2021 et 2022) et un nombre d’offres d’emploi multiplié quasiment par deux entre 2015 et 2022. Afin de suivre l’évolution du développement de ce secteur dans les différents territoires et des aspirations des salariés, l’Agence française pour le jeu vidéo (AFJV) édite un observatoire de l’emploi du jeu vidéo, avec le soutien de l’établissement d’enseignement Gaming Campus.
Deux pôles d’attractivité majeurs
En décroissance sur les dernières années, la région Ile-de-France montre une forme de résilience puisque le nombre de sociétés du secteur est identique à celui de 2021 et reste de très loin le territoire regroupant le plus de débouchés (47 % des sociétés du secteur). La seconde région - Auvergne-Rhône-Alpes - perd 1 point (13 %) sur un an, tandis que les régions suivantes - dans l’ordre, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Hauts-de-France - sont stables à respectivement 9 %, 8 % et 6 %. À l’échelle de la France, Paris et Lyon se distingue donc comme les deux poumons de l’industrie vidéoludique.
Logiquement, l’Ile-de-France continue de concentrer à elle seule 53 % des offres d’emploi (-1 %). L’écart entre le nombre de sociétés présentent en Ile-de-France (47 %) et le pourcentage d’annonces (53 %) s’explique par la taille des équipes, généralement plus importante en Ile-de-France qu’en province, précise l’observatoire. Quant au 100 % télétravail, il continue de gagner du terrain en 2022 (+1 %) : il représente aujourd’hui le cinquième « territoire », regroupant plus d’annonces que dix autres régions de France.
Les aspirations géographiques des candidats bouleversées
D’ailleurs, en établissant un classement basé sur le nombre de candidats en moyenne pour chaque annonce dans chaque région, le vainqueur est… le télétravail. Les annonces en full remote sont plébiscités pour la seconde année consécutive et progresse même largement avec 72 candidats en moyenne par annonce (contre une moyenne de 55 candidats en 2021). Les Hauts-de-France constituent la seconde préférence des candidats avec 47 candidats par annonce en 2022 (51 candidats en 2021).
Quant à l’Ile-de-France, leader du classement en 2020, elle continue sa dégringolade au classement pour arriver à la cinquième place. Avec 37 candidats en moyenne elle rejoint le groupe des régions dont les recrutements sont en tension. Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur devancent l’Ile-de-France en 3e et 4e position tandis que Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes ferment ce classement avec 30 et 27 candidats par annonce. Ainsi, bien que cette moyenne reste à relativiser, elle montrerait une plus grande appétence des candidats pour déposer un CV dans des annonces en télétravail complet plutôt que pour travailler dans des conditions « classiques » en Ile-de-France.
Secteur sous tension
Car l’autre raison pouvant expliquer le nombre de candidat par annonce plus faible, c’est l’état de tension du marché. Le tissu industriel est composé de 662 entreprises (à fin mars 2023) et la bataille de l’emploi fait rage. La plupart des entreprises sont en recherche active de talents (le plus souvent senior) pour venir gonfler les rangs des équipes de production. Ubisoft qui dominait le marché de l’emploi depuis plusieurs années a cédé sa place depuis deux ans maintenant à Quantic Dream (Heavy Rain, Beyond : Two Souls, Detroit : Become Human) en région Ile-de-France et à Playwing Ltd (Century : Age of Ashes) en Nouvelle-Aquitaine.
Compte tenu de la bonne santé du secteur (+41 % d’annonces en 2022), le marché de l’emploi se retrouve en tension sur presque tous les postes « senior » ou « lead ». Selon l’observatoire, « il n’y a plus aujourd’hui un seul programmeur, infographiste, chef de projet ou game designer expérimenté sur le marché ».
Le CDI est la norme
En 2022, tous les métiers ont droit au CDI. L’observatoire rappelle que ce n’était pas le cas pour les infographistes, qui étaient majoritairement embauchés en CDD jusqu’en 2018. Ainsi, la proportion de CDI a presque doublée en sept ans, passant de 33 % de contrats proposés en 2016 à 61 % en 2022.
En outre, même si la situation de l’alternance s’améliore d’année en année, les données montrent une certaine réticence à son usage dans le cadre de la production de jeux vidéo. Typiquement, les métiers du game design, de l’infographie et de la programmation sont ceux qui font le moins appel à l’alternance. A l’inverse, les métiers de l’édition (commercial, marketing, communication, administratif) sont plus enclins à employer des alternants.
Alors que des industries comme l’audiovisuel, l’animation ou les effets spéciaux l’ont largement adopté, le statut d’intermittent n’a quasiment pas cours dans le jeu vidéo. Les recruteurs expliquent cette différence par le besoin de capitaliser à long terme sur l’humain, et plus particulièrement pour les métiers techniques et d’encadrement, justifiant ainsi le recours massif au CDI.
Cette étude est éditée par l’AFJV avec le soutien de Gaming Campus. Les données proviennent des annuaires et du portail de l’emploi de l’AFJV qui recueille la quasi-totalité des offres d’emploi et de stage de l’industrie française du jeu vidéo. Seules les annonces dont le poste est basé en France ont été comptabilisées, soit un total de 2 763 annonces proposées en CDI, CDD, stage ou alternance pour l’année 2022.