Quel environnement de travail… aux Pays-Bas ?
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Durant cet été, Républik Workplace Le Média vous emmène à la découverte des différentes manières de travailler dans plusieurs pays du monde. La troisième escale nous mène aux Pays-Bas, dans le quartier d’affaires de Zuidas à Amsterdam, en compagnie de Nicolas Cochard (Kardham). Ce dernier nous décrit les environnements de travail d’un pays précurseur en la matière.
Par Nicolas Cochard, Responsable R&D de Kardham
Aller au bureau aux Pays-Bas c’est, dit-on, observer les tendances futures de l’environnement de travail. Les Pays-Bas sont en effet des précurseurs en la matière et ce n’est sans doute pas un hasard si beaucoup de littérature académique sur les sujets workplace provient de là-bas.
Beaucoup de salariés tertiaires se rendent dans le quartier Zuidas à Amsterdam, situé entre les rivières Amstel et Schinkel. Ce nouveau lieu, conçu à l’initiative conjointe de la commune et du gouvernement, est encore en chantier. On y arrive souvent à vélo à l’heure de pointe au milieu d’une importante densité de bicyclettes : la réputation cycliste d’Amsterdam n’est pas galvaudée !
Le hall de l’immeuble est un espace vivant, chaleureux et très moderne. Un message de modernité est ainsi envoyé, ce que le poste de travail confirme.
On dit souvent que l’espace véhicule des valeurs et on perçoit ici celles liées au mouvement, à l’autonomie, à la confiance et à la flexibilité.
Même les nomades ont un territoire dédié particulièrement qualitatif. Dans les plateaux règne une ambiance détendue qui pourrait faire penser à du coworking. On dit souvent que l’espace véhicule des valeurs et on perçoit ici celles liées au mouvement, à l’autonomie, à la confiance et à la flexibilité. En effet, les espaces sont variés, les positions de travail diverses et on croise des salariés dans différentes postures.
Equilibre entre échanges et individualisme
Les modalités de l’échange structurent la vie de bureau et les interactions sont nombreuses et directes. Cependant, elles ne se font pas à proximité des postes de travail et l’ambiance détendue que l’on observe s’accompagne en réalité de règles de vie strictes. On veille par exemple à ce que les espaces ouverts ne soient pas générateurs de perturbations cognitives permanentes. Les interactions se font donc à l’écart dans des lieux dédiés. Et ils sont nombreux, car les échanges formels et informels sont culturellement considérés comme principales sources de performance. Ici, la dynamique sociale est au cœur de la performance de l’organisation, mais les zones dédiées à l’isolement et à la concentration sont pléthoriques. En effet, la culture néerlandaise demeure plutôt individualiste, bien que l’interaction soit omniprésente.
De bonnes conditions d’échanges passent par une bonne préparation. L’échange formel est ainsi soumis à des règles strictes. Il est par exemple très mal vu d’arriver en retard à une réunion, car cela nuit à la performance tout en envoyant un message irrespectueux aux participants. Ces meetings, assez rapides et dynamiques, sont très participatifs, y compris malgré le règne de l’hybridation des modes de travail et de nombreux participants à distance. L’équipement IT est hyper performant et l’hybridation est donc d’une grande fluidité.
la crise sanitaire n’a pas fondamentalement bousculé les travailleurs de bureaux, si ce n’est peut-être dans la dimension interactionnelle qui a clairement fait défaut.
La culture assez peu verticale se fait sentir au cours de ces temps de réunion qui sont des temps d’intenses échanges, tout en douceur. Il faut dire que les nouveaux modes de travail sont ici largement adoptés depuis plus d’une décennie. Le travail à distance est une modalité bien maîtrisée et la crise sanitaire n’a pas fondamentalement bousculé les travailleurs de bureaux, si ce n’est peut-être dans la dimension interactionnelle qui a clairement fait défaut malgré la visio. Moins échanger a été plutôt mal vécu ici.
Environnement de travail +++
Dans l’ensemble, les espaces de travail sont très. La distinction en fonction de la hiérarchie est très floue : tout le monde est logé à la même enseigne et les bureaux sont tous partagés. Ceci s’explique à travers deux facteurs. Le premier est culturel, avec une vraie horizontalité dans la manière de fonctionner des entreprises qui transparait dans l’organisation des espaces. Le second est performanciel, puisqu’ici les horaires de bureau sont finalement peu étendus. Le temps de travail est optimisé et les heures supplémentaires sont rares, voire assez mal vues : la vie privée est très importante et on optimise le temps de travail.
Pour autant, si les nouveaux modes sont bien implantés, avec une vision libérale de l’espace et du temps de travail, les salariés sont d’une grande exigence vis-à-vis de leurs conditions matérielles. Ici les standards sont élevés et on ne transige pas avec le confort. L’ergonomie des positions de travail est excellente et chacun peut donc être dans les meilleures dispositions pour travailler selon un principe d’activity based working (qui repose sur la capacité des personnes à décider de l’environnement dans lequel elles souhaitent travailler) entré dans les habitudes.
Le temps de travail est optimisé et les heures supplémentaires sont rares, voire assez mal vues.
La conséquence est que les plateaux sont animés car les utilisateurs sont mobiles tout au long de la journée, ce qui bénéficie à leur bien-être. Les nombreux chercheurs néerlandais qui travaillent sur les sujets d’espaces de travail participent largement à faire le lien entre de bonnes dispositions cognitives, la satisfaction et la performance. Ainsi, les utilisateurs peuvent varier les positions afin de trouver les dispositions qu’ils jugent les plus adéquates.
L’expérience dans les espaces de travail néerlandais renforce clairement l’idée qu’ils sont à l’avant-garde dans ce domaine. Avec un environnement qui fournit les équilibres entre les moments individuels et collectifs, mais toujours dans une perspective libérale au niveau de la pratique, les salariés néerlandais sont parmi ceux qui déclarent être les plus satisfaits de leurs conditions de travail. On se rend bien compte que le type de concept spatial, en l’occurrence les environnements flexibles, n’est jamais que ce qu’on en fait, et à partir du moment où se tissent des règles tacites de vivre ensemble sur une base flexible, satisfaction et performance sont au rendez-vous aussi bien du point de vue de l’employeur que de l’employé.
Nicolas Cochard
Historien-géographe et docteur en SHS, Nicolas Cochard déploie et anime la stratégie de R&D pluridisciplinaire de Kardham, qui permet au groupe d’approfondir les connaissances et les réflexions relatives aux environnements de travail à toutes les échelles. Il développe les partenariats avec l’enseignement supérieur et a contribué à la création de la Chaire Workplace Management avec le professeur Ingrid Nappi de l’ESSEC.