Quel environnement de travail… en Nouvelle-Zélande ?
Le | Modes de travail
Cet été, Républik Workplace Le Média vous emmène à la découverte des différentes manières de travailler dans plusieurs pays du monde. Pour sa deuxième escale, direction Auckland, en Nouvelle-Zélande, où Nicolas Cochard, de Kardham, nous fait découvrir l’ambiance d’une journée au coeur du quartier d’affaires.
Par Nicolas Cochard, Responsable R&D de Kardham
A Auckland, le quartier des affaires est au centre de la ville historique, fondée par William Hobson, premier gouverneur de Nouvelle-Zélande en 1840. On y trouve une forte concentration de gratte-ciel, entourés d’axes autoroutiers et bordés par l’interface portuaire au Nord, jusqu’au port de Waitemata. Ici, la mer est omniprésente dans le paysage. Avec ses 450 hectares, le CBD d’Auckland est aussi grand que celui de Sydney. Mais ce n’est pas seulement un quartier d’affaires : près de 55 000 personnes y vivent, avec notamment une forte immigration du sud-est asiatique et une forte présence estudiantine. Ce quartier est ainsi vivant bien au-delà des horaires de bureau. D’ailleurs, un centre commercial de 18 000 m² a ouvert en 2020, avec pas moins de 120 boutiques. Mais ne nous y trompons pas, malgré la forte densité, Auckland reste une ville très calme.
Good vibes
Dans ce quartier au paysage maritime très prononcé, on se rend au bureau dans un climat détendu et sécurisant. Une fois dans les tours, on retrouve un décor classique. À l’image de l’ensemble du monde occidental, les bureaux sont généralement des espaces de type open-space. Dans de nombreuses entreprises, le concept d’activity based working (qui repose sur la capacité des personnes à décider de l’environnement dans lequel elles souhaitent travailler) est largement admis depuis plusieurs années et la flexibilité n’est pas une conséquence de la crise Covid.
En 1998, une coupure de courant généralisée avait paralysé le quartier, obligeant un travail à domicile pendant cinq semaines !
Si le télétravail s’est vraiment accéléré depuis la crise, les fortes attentes de liens sociaux de la part des travailleurs sont venues nuancer l’enthousiasme débordant pour le distanciel, en mettant en exergue la nécessité d’un lieu de travail rassembleur. Beaucoup de Néo-Zélandais ont d’ailleurs ressenti une baisse de productivité avec le travail à distance contraint pendant la crise.
Les souvenirs des habitants d’Auckland ont permis, sans doute plus qu’ailleurs, d’établir les avantages et inconvénients de la distance. En effet, en 1998, une coupure de courant généralisée avait paralysé le quartier, obligeant un travail à domicile pendant cinq semaines !
En outre, rappelons que la question de la semaine de quatre jours était en débat avant la crise sanitaire dans le pays, avec notamment pour les cadres la question de l’avantage du bien-être et de la diminution du stress sur la productivité.
Ici, le travail est pris au sérieux, mais le temps libre tout autant. Il est assez rare de terminer après 17h, car non seulement les Néo-Zélandais aiment pratiquer du sport après le travail, mais surtout ils aiment prendre l’air. Les salariés apprécient d’ailleurs fortement la présence d’un parc ou d’une salle de sport à proximité des bureaux et le front de mer du quartier d’affaires est un fort atout. L’ambiance générale est assez décontractée et dans les bureaux, le dress code étant très libéral, les costumes sont finalement moins fréquents que les jeans et baskets. Le volume sonore des espaces est relativement faible et il semble que les règles de vie fondées sur le respect d’autrui soient fortement appliquées. Pourtant, si l’ambiance semble détendue, les retards aux réunions ou un comportement bruyant sont mal vus. Au travail, c’est le sérieux qui prime même si l’humour est fortement apprécié.
Horizontalité, décontraction et sérieux
Concernant les espaces de travail à proprement parler, la part belle est donnée de plus en plus aux lieux à vocation collective et notamment à la promotion des liens sociaux. Les espaces de restauration sont particulièrement grands et qualitatifs, car c’est autour du repas du midi que se tissent les échanges, bien qu’on observe encore souvent des salariés qui restent à leur bureau pour avaler quelque chose en vitesse. La plupart amènent leur repas du midi et se retrouvent dans des espaces conviviaux pour les consommer. La pause thé de l’après-midi est également un rituel important auquel les entreprises dédient souvent un espace agréable.
C’est autour du repas du midi que se tissent les échanges
La qualité des aménagements est d’ailleurs vue comme un levier pour favoriser ces pratiques d’échanges et de partage. Ainsi, un paysage inspiré de l’hôtellerie, voire de l’habitat moderne, se généralise de plus en plus. Les valeurs promues culturellement rejoignent celles qui définissent la culture néo-zélandaise. L’horizontalité est valorisée et le management très directif assez peu apprécié. On privilégie aussi souvent une vision collective des choses et la volonté de stimuler des logiques de groupes se fait sentir, notamment à travers l’égalité à laquelle les Néo-zélandais sont très attachés. Et ce n’est pas un vain mot : rappelons que la Nouvelle-Zélande est le premier pays à avoir accordé le droit de vote aux femmes, en 1893.
Les questionnements actuels sur la réduction des surfaces de bureaux sont considérés ici avec prudence.
Si la dimension collective prime, les Néo-zélandais ne transigent ni avec le confort, ni avec une offre spatiale dédiée à des temps individuels. C’est pour cela que les questionnements actuels sur la réduction des surfaces de bureaux sont considérés ici avec prudence, avec une expérience très variable du distanciel, des craintes de perte de performance et de délitement de la cohésion sociale.
Bien sûr, les travailleurs tertiaires du quartier des affaires d’Auckland ne sont pas forcément révélateurs de l’ensemble de ceux de l’archipel, mais les tendances concernant les nouveaux modes et les nouveaux espaces de travail s’affirment ici. D’ailleurs, les chercheurs néo-zélandais Hills et Levy, spécialistes des questions d’espaces de travail, ont parlé dès 2014 du passage de la notion de workplace à celle de employee experience afin de qualifier l’approche globale nécessaire de l’environnement de travail, dans et hors les murs, afin de satisfaire à la fois le bien-être et la productivité.
Nicolas Cochard
Historien-géographe et docteur en SHS, Nicolas Cochard déploie et anime la stratégie de R&D pluridisciplinaire de Kardham, qui permet au groupe d’approfondir les connaissances et les réflexions relatives aux environnements de travail à toutes les échelles. Il développe les partenariats avec l’enseignement supérieur et a contribué à la création de la Chaire Workplace Management avec le professeur Ingrid Nappi de l’ESSEC.