Retour au bureau : les entreprises européennes ne désarment pas
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Dans son édition annuelle de son sondage sur l’opinion des entreprises utilisatrices de bureaux, CBRE a interrogé plus de 130 décideurs immobiliers en Europe, notamment sur les taux d’occupation. Il en ressort qu’une bonne partie des sociétés visent toujours un « retour au bureau » massif.
Qu’il semble loin le temps où l’on prédisait un « retour à la normale » au sujet de l’occupation des bureaux une fois la pandémie de Covid passée. Plus de trois ans après le déclenchement des premiers confinements généralisés, les raisons pour privilégier le télétravail au bureau restent prégnantes : réticences à faire la navette entre le domicile et le bureau, directives vagues/changeantes ou encore pure et simple préférence pour le travail à distance de la part de certains collaborateurs. Selon les résultats du sondage annuel sur l’opinion des utilisateurs européens mené par CBRE, près de la moitié des entreprises européennes (48 %) font état d’un taux d’occupation des bureaux proche ou inférieur à 40 %, et seules 15 % d’entre elles enregistrent un taux d’occupation moyen de 60 % ou plus.
Seules 15 % des entreprises européennes enregistrent un taux d’occupation moyen de 60 % ou plus.
Dans le détail, ce sont les grandes entreprises qui sont plus confrontées à ce probleme. Seules 12 % des grands groupes (> 5 000 employés) déclarent un taux d’occupation supérieur à 60 %, tandis que c’est le cas de 29 % des entreprises comptant jusqu’à 1 000 salariés. Il existe par ailleurs des différences notables entre les secteurs d’activité. Les entités issues des technologies de l’information et de la communication (TIC) sont plus susceptibles de connaître des taux d’occupation plus faibles : 63 % d’entre elles enregistrent un taux moyen inférieur ou égal à 40 %, contre 42 % des entreprises du secteur de la finance. CBRE note qu’il s’agit peut- être en partie d’un reflet des modèles de travail plus flexibles existant dans les entreprises du secteur des TIC.
Des marges de progression largement espérées
Dans ce contexte de taux d’occupation qui restent faibles au niveau européen, de nombreuses entreprises estiment qu’il est souhaitable d’augmenter le niveau de présence sur site. Certes, un peu plus de la moitié des entreprises européennes (56 %) considèrent les taux d’occupation actuels comme une situation stable, ce qui suggère que nombre d’entre elles ont accepté une révision à la baisse de leurs objectifs de fréquentation. Cependant, 40 % des entreprises ne considèrent pas la situation actuelle définitive et cherchent à renforcer la présence sur site. Près des deux tiers d’entre elles visent le second semestre de cette année ou le premier semestre 2024 pour atteindre leur objectif, tandis que le dernier tiers a défini un calendrier plus long ou non limité dans le temps.
Le sondage met en lumière des disparités entre les différentes catégories d’entreprises sur cette question. Les petites structures sont majoritairement (68 %) d’avis que la situation actuelle est stable, alors que moins de la moitié des entreprises du secteur de la finance partagent ce point de vue. Les entreprises interrogées sont relativement divisées sur la nécessité d’encourager un retour au bureau en période de ralentissement économique. Pour un peu plus de 40 % des entreprises, la probabilité d’une dégradation des perspectives économiques à court terme est associée à une urgence accrue d’augmenter le taux de présence au bureau pour favoriser la productivité et la performance. Toutefois, pour exactement la même proportion, cela ne fait aucune différence.
Des directives plus strictes ?
Ainsi, de plus en plus d’organisations mettent en place un nombre minimum de jours de présence au bureau ou s’impliquent activement auprès de leurs collaborateurs sur cette question.
De plus en plus d’organisations mettent en place un nombre minimum de jours de présence au bureau.
Deux tiers des entreprises imposent désormais un certain nombre de jours de présence au bureau. Pour la plupart (41 %), il s’agit d’une présence majoritaire au bureau. L’évolution est notable par rapport à l’année dernière, où seulement 40 % des entreprises avaient imposé une obligation quelconque. Parmi les entités ayant mis en place des directives, 46 % indiquent qu’elles ont été définies par l’entreprise ou l’équipe - c`est-à-dire par le biais d’un processus en grande partie descendant - contre 33 % en 2022. Elles sont moins nombreuses (31 %, en baisse par rapport à 43 % en 2022) à laisser une certaine marge de manœuvre aux collaborateurs dans le cadre des directives d’entreprise, et seulement 7 % confient entièrement la question aux salariés. Ces directives ne vont, pour la moitié d’entre elles (47 %), pas encore jusqu’à préciser les jours de la semaine où les collaborateurs sont tenus de se rendre au bureau. Le défi de la répartition de la présence bureau/distanciel sur la semaine de travail reste donc entier pour les organisations.
47 % des entreprises ne précisent pas les jours de la semaine ou la présence au bureau est requise.
Cependant, lorsque des consignes existent, elles ne font pas nécessairement l’objet d’un suivi ou d’une application systématique. Si plus de la moitié des entreprises contrôlent le respect de la charte de télétravail établie par le biais des badges, de la supervision des responsables ou des systèmes de réservation, un tiers d’entre elles ne procèdent à aucun contrôle formel et moins de 10 % affirment appliquer les règles de manière cohérente.
Reste que l’alignement des objectifs des dirigeants immobiliers sur les préférences des collaborateurs constitue un défi potentiel. Le rapport Live-Work-Shop de CBRE a révélé que si environ 41 % des européens souhaitent être au bureau plus de la moitié de la semaine de travail, près de 30 % d’entre eux préfèrent adopter un mode de travail essentiellement à distance, ce qui suggère que l’appétit des collaborateurs pour le travail à distance peut s’avérer bien supérieur aux objectifs des cadres dirigeants. Des chiffres qui illustrent la nécessité de prendre des mesures actives afin de résoudre ses divergences.