Women in the Workplace : retour sur la représentation des femmes en entreprise depuis dix ans
Par Alexandre Foatelli | Le | Qvt
Publié par le cabinet McKinsey & Company, le rapport « Women in the Workplace » marque son dixième anniversaire cette année. Réalisé en partenariat avec LeanIn.Org, l’édition 2024 a recueilli des informations auprès de 281 organisations participantes au sein desquelles plus de 15 000 employés et 280 responsables RH ont été sondées. L’occasion aussi de dresser un bilan de la représentation des femmes américaines dans le monde du travail au cours de la dernière décennie.
Depuis 2015, McKinsey & Company publie annuellement le rapport « Women in the Workplace », qui constitue la plus vaste étude sur la représentation des femmes dans les entreprises américaines, avec plus de 1 000 entreprises participantes et plus de 480 000 personnes interrogées sur leurs expériences professionnelles au cours de la dernière décennie. Un panel qui, par son ampleur, offre un bon aperçu de la question de la parité hommes-femmes dans le monde du travail.
À l’occasion de la parution de la dixième édition en 2024, le cabinet analyse les données de la dernière décennie afin de mettre en exergue les progrès, le déclin et la stagnation de la représentation et des expériences des femmes sur le lieu de travail.
Pas de parité avant 50 ans
Certes, la représentation des femmes a progressé dans tous les niveaux hiérarchiques des entreprises sur les dix dernières années. Les données montrent une amélioration particulièrement notable pour les postes C-Level (ou C-Suite, les cadres supérieurs) : les femmes représentent aujourd’hui 29 % de ces postes, contre seulement 17 % en 2015. On peut également noter des changements significatifs aux postes de vice-présidence (VP) et senior vice-présidence (SVP), avec des hausses respectivement de 7 et 6 points en dix ans.
Cependant, les progrès ont été beaucoup plus lents en amont, aux niveaux d’entrée et de direction. Étant moins susceptibles que les hommes d’être embauchées, y compris à des postes de débutants, les femmes restent sous-représentées dans l’ensemble du vivier, indépendamment de la race et de l’origine ethnique. En d’autres termes, les hommes sont plus nombreux que les femmes à tous les niveaux. Ensuite, les femmes ont beaucoup moins de chances que les hommes d’obtenir leur toute première promotion à un poste de direction. Une situation qui ne s’améliore pas au fil des ans : en 2018, pour 100 hommes ayant reçu leur première promotion au poste de direction, 79 femmes ont été promues ; cette année, elles ne sont que 81. En raison de cet « échelon brisé » dans l’échelle de l’entreprise, les hommes sont nettement plus nombreux que les femmes au niveau de direction, ce qui rend extrêmement difficile pour les entreprises de soutenir une progression durable dans les niveaux supérieurs de management.
Les statistiques ethniques étant ancrées dans la culture outre-Atlantique, le rapport de McKinsey & Company montre que ce phénomène est encore plus voyant pour les femmes de couleur, qui ne représentent que 7 % des postes C-Level actuellement, soit une augmentation de seulement quatre points depuis 2017.
En outre, le rapport relativise les progrès de la représentation des femmes aux postes d’encadrement supérieurs, en soulignant que le principal facteur de l’augmentation a été que les entreprises ont, dans l’ensemble, ajouté des rôles dans les fonctions supports - telles que les ressources humaines, le service juridique et l’informatique - et ont embauché des femmes à ces nouveaux postes. Puisque les entreprises ne peuvent pas ajouter indéfiniment de nouveaux postes dans ces domaines, les auteurs de l’étude indique qu’il ne s’agit pas d’une voie viable vers la parité.
Compte tenu de l’évolution sur dix ans, l’étude estime qu’il faudrait 22 ans aux femmes blanches pour atteindre la parité - définie ici comme une représentation correspondant à celle des femmes dans la population active dans les postes de VP et C-Level - et plus de deux fois plus de temps aux femmes de couleur. En d’autres termes, il faudrait 48 ans pour que la représentation des femmes blanches et des femmes de couleur dans les postes de direction reflète leur part dans la population active américaine. Pour y parvenir, les entreprises vont devoir s’attaquer à leurs points faibles : en réparant « l’échelon brisé », en investissant davantage de ressources dans le développement des femmes dirigeantes et en se rendant responsables de progrès plus substantiels dans les postes de direction.
Un workplace pas encore suffisamment inclusif
Depuis dix ans, les entreprises américaines ont pris des mesures pour soutenir la promotion des femmes et rendre le lieu de travail plus équitable. Les salariés le reconnaissent, puisqu’une majorité d’entre eux pensent que les femmes ont davantage de possibilités de progresser. Au rayon des améliorations, la flexibilité du lieu de travail constitue un avantage particulièrement important pour les femmes, qui déclarent avoir plus de temps à consacrer à leurs tâches professionnelles lorsqu’elles travaillent à distance.
Parallèlement, l’inégalité persiste également au sein du foyer : quatre femmes sur dix ayant un partenaire déclarent qu’elles sont responsables de la plupart ou de la totalité des tâches ménagères, un chiffre en augmentation depuis 2016. Sur la même période, les hommes sont beaucoup plus nombreux à dire qu’ils partagent les responsabilités ménagères à égalité avec leur partenaire, ce qui suggère un écart croissant dans la manière dont les femmes et les hommes perçoivent leur contribution à la maison. En outre, les femmes plus jeunes déclarent effectuer la même quantité de tâches ménagères que les femmes plus âgées, ce qui témoigne d’un manque de progrès.
Par ailleurs, malgré l’augmentation de la représentation au travail et des efforts accrus de la part des entreprises, le workplace ne s’est pas beaucoup amélioré pour les femmes. Celles d’aujourd’hui ne sont pas plus optimistes que par le passé quant à l’impact de leur sexe sur l’avancement de leur carrière. Et pour les femmes de couleur, les obstacles semblent encore plus insurmontables : les femmes asiatiques, noires et latines sont plus susceptibles en 2024 de percevoir leur race comme un obstacle à l’avancement par rapport à il y a six ans.
De nos jours, les femmes continuent d’être confrontées à des microagressions - commentaires et actions portant atteinte à leur crédibilité et à leurs compétences en leadership - aussi souvent qu’il y a plusieurs années, en particulier les femmes LGBTQ+ et handicapées, ce qui les empêche de s’exprimer, de prendre des risques et de faire part de leurs préoccupations au travail. En 2024, tous les items liés à ce phénomène de microagression sont en augmentation.
Dans l’ensemble, le bilan des entreprises américaines en matière de représentation des femmes est donc mitigé. En dépit des points positifs, le rapport constate que ces progrès demeurent fragiles et que l’engagement en faveur de la diversité est même en baisse. Alors que la culture du travail semble figée, les entreprises devront poursuivre leurs actions avec encore plus de ténacité afin de tendre vers l’équité avant un demi-siècle.