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Stefen Bompais (Carrefour) : « L’entreprise a un bon niveau de maturité sur les sujets d’égalité »

Par Alexandre Foatelli | Le | Qvt

Récemment, Carrefour, en balance pour la place de premier employeur privé de France, a annoncé par la voix de son directeur général Alexandre Bompard des mesures en faveur de la santé des femmes au travail. Stefen Bompais, directeur Diversité & Inclusion du groupe, nous détaille le contenu de ces annonces et ses autres chantiers du moment.

Stefen Bompais, directeur Diversité & Inclusion du groupe Carrefour. - © D.R.
Stefen Bompais, directeur Diversité & Inclusion du groupe Carrefour. - © D.R.

Quelles sont les mesures mises en œuvre par Carrefour pour la santé des femmes au travail ?

Il s’agit d’un ensemble de trois mesures qui ont été annoncées par Alexandre Bompard. La première consiste à donner la possibilité aux femmes qui sont diagnostiquées comme souffrant d’endométriose de pouvoir profiter d’une journée d’absence sans retenue sur salaire par mois, soit douze jours par an, à partir du moment où elles ont obtenu la reconnaissance de travailleur handicapé. La deuxième annonce formulée concerne l’accompagnement des femmes qui traversent l’épreuve douloureuse de la fausse couche, en leur donnant la possibilité de s’absenter également de manière rémunérée durant trois jours. Enfin, la dernière mesure s’adresse aux femmes inscrites dans un parcours de PMA, qui peuvent bénéficier d’une journée d’absence rémunérée au moment du transfert d’embryon.

Concrètement, comment ça fonctionne ?

Aujourd’hui, en France, lorsqu’une femme est confrontée à l’une de ces situations qui nécessite une absence professionnelle, elle doit demander faire un arrêt de travail. Mais les trois premiers jours d’un arrêt sont carencés, et cela constitue donc une perte de revenus. En fonction du niveau de rémunération, ce manque à gagner fait que les femmes concernées ont tendance à renoncer à s’arrêter, alors qu’il s’agit de moments douloureux, physiquement et/ou psychologiquement, dont elles ne sont pas responsables. Pour pallier ce biais, Carrefour prend donc en charge ces journées d’absence, qui ne sont pas non plus décomptées du solde de congés.

Pourquoi avoir pris ces engagements aujourd’hui ?

Ces mesures interviennent à un moment où l’entreprise a acquis un bon niveau de maturité sur les sujets d’égalité hommes-femmes. Carrefour a pris des engagements depuis longtemps sur les dispositifs de recrutement, de rémunération, de formation et de promotion. C’était un prérequis, car avant de s’engager sur l’endométriose, les fausses couches et la PMA, il est fondamental de donner des gages sur les dispositifs qui concernent toutes les femmes. Par ailleurs, Carrefour fait partie des plus importants employeurs privés de France, avec 100 000 collaborateurs en France dont un peu plus de la moitié sont des femmes et certaines de nos collaboratrices souffrant d’endométriose nous ont fait part de leurs difficultés lors de chaque cycle menstruel.

Enfin, malgré le fait qu’ils se fassent une place dans le débat public, ces sujets restent encore méconnus. Cela entraîne une forme de « double peine » voire parfois « triple » : à la souffrance physique et psychologique s’ajoutent la perte financière de l’arrêt de travail et un mauvais jugement des managers et des collègues lorsque celles-ci reviennent. Avec ces mesures, nous voulons aussi lever un tabou sur ces problématiques, afin d’en améliorer la perception et de déculpabiliser les femmes qui traversent ces situations. En parallèle, nous allons mener un grand chantier de formation et de sensibilisation à destination des managers pour qu’ils adoptent les bons comportements et qu’ils proscrivent ceux qui ne sont pas adaptés. Et puis nous allons aussi communiquer sur ce que sont l’endométriose, la fausse couche et la PMA auprès de l’ensemble de nos salariés en France.

Ces dispositifs ne posent-ils pas un problème d’intimité pour les femmes concernées ?

Il serait effectivement contre-productif de mettre en difficulté les femmes en les obligeant à faire part de ce qu’elles vivent dans leur vie intime. Dans le cadre des mesures que nous proposons concernant la PMA et la fausse couche, il suffira d’établir une attestation par un médecin pour que l’entreprise puisse justifier de l’absence au travail, il en va de sa responsabilité, sur laquelle ne figurera seulement que la mention « santé au féminin ». Ainsi, le manager ne connaîtra pas la raison exacte de l’absence.

Et à l’inverse, si ces femmes éprouvent le besoin de se tourner vers leur manager pour s’exprimer auprès d’eux sur ces sujets, il est important qu’elles puissent le faire sans culpabilité et que le manager accueille cette parole de la manière la plus bienveillante possible. C’est à cela que doivent servir les campagnes de formation que nous allons lancer.

Dans le cas des PMA et des fausses couches, pourquoi ne pas étendre ces mesures aux hommes indirectement impactés ?

Ce n’était effectivement pas dans nos réflexions de départ, car cela n’a pas été un besoin remonté dans les échanges préparatoires que nous avons eus en interne. Cela ne signifie pas pour autant que les droits du second parent ne seront jamais pris en considération à l’avenir. Sur la PMA par exemple, nous avions signé un accord de parentalité en 2020 qui prévoyait seulement d’aménager les horaires de travail le jour du transfert : les femmes pouvaient prendre leur demi-journée en fonction du moment où l’acte avait lieu. Or, le corps médical recommande une journée complète de repos, ce jour-là, ce que très peu de femmes faisaient car cela revenait à prendre un jour de congé ou à demander un arrêt de travail. Trois ans plus tard, nous leur donnons la possibilité de prendre cette journée rémunérée. Ces mesures sont évolutives et nous construisons notre politique d’inclusion brique par brique. Si la place des conjoints dans le processus de PMA ou la prise en compte de leur charge émotionnelle dans le cas d’une fausse couche est un besoin exprimé dans les prochains mois ou les prochaines années, nous réfléchirons à adapter les mesures.

En matière de dispositifs de protection sociale, quels sont vos prochains chantiers ?

Je travaille particulièrement sur deux autres thématiques. La première concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap, à qui nous devons apporter des gages d’inclusion à la fois dans l’organisation de leur temps de travail, l’ergonomie de leur poste, mais aussi les trajectoires professionnelles, pour qu’ils profitent des mêmes dispositifs en termes de promotion et de formation. Alexandre Bompard, dans le cadre du plan stratégique Carrefour 2026 présenté en novembre dernier, a fait du handicap la grande cause de l’entreprise. Nous avons 11 000 collaborateurs concernés par le handicap aujourd’hui et l’objectif est d’atteindre le seuil des 15 000 en 2026. C’est aussi un enjeu d’attractivité des talents, car une forme de discrimination à l’emploi persiste. Pour cela, nous avons signé une convention avec la Fédération française handisport qui donne la possibilité à tous ses membres d’accéder en priorité à nos offres de postes adaptés, de stages ou d’alternance.

Notre deuxième chantier concerne la communauté LGBT. Nous avons mis en place un dispositif pour identifier partout dans l’entreprise des « rôles modèles », qui sont des référents sensibilisés aux problématiques de discriminations et en capacité de recevoir la parole des collaborateurs. Et lorsque des comportements discriminants sont identifiés et avérés, nous nous efforçons d’apporter des réponses concrètes et fermes pour y mettre un terme. En outre, il est aussi nécessaire, encore une fois dans une logique d’attractivité, d’envoyer un message positif en externe. Il n’est pas difficile de comprendre qu’un talent issu de la communauté LGBT ne se dirige pas tout à fait naturellement vers les métiers de la grande distribution, et nous menons un travail pour briser les idées reçues et démontrer que cette communauté a toute sa place au sein du groupe Carrefour.

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