Propreté et hygiène : un secteur dynamique où des chantiers restent à mener
Par Alexandre Foatelli | Le | Services
La Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et des services associés (FEP) a publié les chiffres clés annuels du secteur. Etat des lieux d’un secteur comptant 16 000 entreprises, 600 000 emplois et 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Dans un monde marqué par une crise sanitaire, la propreté et l’hygiène se sont réaffirmées comme des priorités dans nos quotidiens, replaçant en lumière les métiers qui y sont liés. Chaque année, la FEP - Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et des services associés - publie les chiffres clés de ce secteur économique en France. L’édition 2023 dépeint un secteur très dynamique
Un tissu de PME et d’entreprises familiales
D’après les données de l’Insee reprises par la Fédération professionnelle, le secteur de la propreté et de l’hygiène compte 15 954 entreprises employant au moins un salarié. Un chiffre en hausse de 3,4 % par rapport à 2019. Les organisations sont présentes sur l’ensemble du territoire national avec plus de 16 777 implantations, contribuant au quotidien au dynamisme des territoires et de l’emploi local.
Le secteur affiche un grand dynamisme : en 2021, le nombre total de créations d’entreprises de propreté tous statuts juridiques confondus atteint 30 019 créations, soit 5 214 de plus qu’en 2020 et près du double de son niveau de 2019. Selon la FEP, cela s’explique structurellement par l’absence de barrière à l’entrée et une croissance continue, en partie tirée par le développement de l’externalisation, mais aussi de manière plus conjoncturelle par l’importance prise par les enjeux d’hygiène et de propreté depuis la crise sanitaire.
En termes de typologies d’entreprises, la répartition est globalement stable depuis plusieurs années et reste très polarisée. Les entreprises de moins de 50 salariés représentent 92 % du volume total, tandis que les grands groupes (plus de 250 salariés) concentrent l’emploi avec 55 % des salariés du secteur. Les majors occupent un réel rôle de locomotive, puisque les 50 premières entreprises pèsent pour 7,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires (42 %).
En outre, la plupart des entreprises de propreté sont des entreprises familiales et patrimoniales au sein desquelles le pouvoir de décision est principalement détenu par la famille fondatrice. Elles sont souvent transmises de génération en génération. Cette situation est également vraie pour les très grandes entreprises du secteur, aujourd’hui présentes à l’échelle européenne et internationale, qui ont, pour plusieurs d’entre elles, gardé dans leur développement une gouvernance familiale. Cela concourt à une relative stabilité dans la gouvernance et les stratégies d’entreprises qui sont, de manière générale, moins sujettes à la fluctuation d’investisseurs recherchant une rentabilité de court terme, note la Fédération.
Gare à l’inflation
En 2023, les entreprises de propreté n’échappent pas à l’inflation. Interrogées dans le cadre d’une enquête de conjoncture, les entreprises font état d’une hausse de leur masse salariale de 7 % de moyenne (9 % chez les petites entreprises et de 6 % pour les grandes), soit une progression nettement plus importante que celle des effectifs (+1,2 %), en lien avec la revalorisation des minima de branche convenue par les partenaires sociaux. À cela s’ajoute une hausse moyenne de 16 % des coûts fournisseurs (produits, équipements, énergie…). Et les entreprises expriment des difficultés pour reporter ces hausses de coûts dans leurs prix : 7 entreprises sur 10 reportent moins de 10 % de cette hausse des coûts, et en moyenne elles reportent 14 % de la hausse des coûts dans leurs prix. Elles font également état d’une baisse du taux de marge depuis la crise Covid et un tiers des entreprises note une dégradation du niveau de trésorerie.
Signe de l’ampleur de cette situation et de son caractère inhabituel, la FEP observe un net décrochage entre l’évolution du SMIC et celle de l’indice des prix dans le secteur. Un écart de 6,7 points qui ne s’était jamais produit dans de telles proportions ces dernières années, alors qu’historiquement ces courbes se suivaient de manière très étroite. « Cette proximité et cette inversion des courbes est préoccupante pour des activités de plus en plus reconnues comme essentielles et stratégiques, mais dont la valorisation sociale et économique se voit contrainte par les exigences des prix de marché », souligne la Fédération.
Face à cette situation, la FEP et le Monde de la propreté ont entrepris une grande démarche depuis plusieurs années pour accompagner les acheteurs, publics et privés, dans un achat de propreté efficace et plus responsable. Cette action vise à mieux faire connaître les spécificités et caractéristiques des activités de propreté à prendre en compte durant le processus d’achat dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs concernés, et notamment les utilisateurs finaux qui en sont les bénéficiaires. Cette démarche (www.achat-proprete.com) a été conçue pour être évolutive et participative.
Des effectifs aussi en croissance et largement féminisés
Le nombre d’emplois salariés dans le secteur de la propreté s’approche des 600 000 en 2022, à la suite d’une légère hausse des effectifs de 1,2 % par rapport à 2021. En cohérence avec l’évolution modérée du chiffre d’affaires, cette croissance de l’emploi est relativement faible comparativement au rebond mécanique connu en 2021 (+4,2 %) et à la dynamique des années pré-covid (environ +3 %/an). En revanche, les emplois de la propreté sont de proximité, ancrés dans la dynamique des territoires et par nature non délocalisables. Le secteur fait ainsi partie des secteurs les plus créateurs d’emplois. Ainsi, la propreté représente à elle seule plus d’un emploi sur 35 du secteur marchand. En dix ans, 115 000 emplois nets ont été créés dans la propreté, soit une augmentation de 25 %.
Structurellement, les fonctions opérationnelles représentent la grande majorité des salariés avec 90 % d’agents de service et un management intermédiaire (chefs d’équipe, responsables d’exploitation) comptant pour 8 % des salariés. Ce secteur est également amplement féminisé puisque la part de femmes employées oscille autour de 65 % depuis 1995 (la moyenne européenne s’élève à 73 %). Si les postes de chefs d’équipe sont répartis à parts égales, les hommes sont majoritaires sur les postes de maîtrise d’exploitation et de cadres.
L’accès des femmes aux postes techniques et aux postes de cadres fait partie, comme pour de nombreux domaines d’activité, des actions prioritaires du secteur. Cela étant, les données soulignent que 26,4 % des chefs d’entreprise ou exerçant des fonctions de direction dans la propreté en France sont des femmes. Un chiffre plus satisfaisant que dans l’industrie, les transports et le bâtiment, où on compte seulement entre 13 % et 20 % de femmes au sein de l’encadrement supérieur. En outre, environ un tiers des nouvelles entreprises de propreté est créé par des femmes.
Emplois stables mais souvent multiples
Avec 82 % de CDI, les salariés dans la propreté sont en grande majorité en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, de nombreux salariés du secteur (45 %) cumulent leur emploi dans une entreprise de propreté avec au moins un autre poste, que ce dernier soit dans une autre entreprise de propreté (pour 66 % des cas) ou dans un autre secteur d’activité (pour 34 % des cas), où l’aide à domicile et l’hôtellerie/restauration sont en tête.
La situation de multi emplois concerne essentiellement les agents de service et davantage les femmes que les hommes. Ceci tend à croître avec l’âge : plus l’âge des salariés augmente, plus les situations de multi emplois sont fréquentes. Le multi emplois est notamment une conséquence mécanique de l’Article 7 de la convention collective de la branche. Ainsi, si un salarié intervient sur différents sites pour une entreprise, si cette dernière perd un des marchés, le salarié peut être transféré, sous certaines conditions, à l’entreprise attributaire dudit marché, et il devient donc multi employeurs.
Salaires inégalitaires et horaires compliqués
Certes, les salaires ont été revalorisés de près de 11 % en deux ans dans la branche (+5,4 % en 2023 et +5,5 % en 2022) et le minimum conventionnel du premier échelon de la classification (ASP) est 2 % plus élevé que le SMIC. Tous secteurs confondus, la hausse moyenne des minima de branche est de 4,9 % entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023 (source : Banque de France). Pour autant, la propreté n’échappe pas aux inégalités salariales hommes-femmes, en bonne partie due à l’accès plus fréquent pour les hommes aux postes d’encadrement et à la plus forte propension de femmes à temps partiel. Ainsi, 83 % des femmes perçoivent moins de 1 500 euros/mois, contre 62 % des hommes.
Quant aux horaires de travail, ils dépendent en grande partie des contraintes et exigences des clients de chaque type de site. Les interventions dans les sites tertiaires, qui représentent plus d’un tiers du chiffre d’affaires des entreprises, se réalisent majoritairement en horaires décalés. En 2021, 8 % des salariés ont été amenés à travailler tout ou partie de leur contrat entre minuit et 5h et 17 % entre 20h et minuit. Le travail de nuit concerne lui une minorité de clients chez qui des interventions de propreté en continu sont nécessaires du fait de la nature de leur activité, par exemple dans l’industrie agro-alimentaire ou les usines avec des rythmes de production en 3/8. Enfin, 11 % des salariés peuvent être amenés à travailler le dimanche pour assurer la propreté dans les environnements de vie et de travail ouverts ce jour-là (hôtellerie, commerces, événementiel, divertissements, loisirs…).
Sur l’année 2022, la FEP comptabilise seulement 7 % des marchés publics publiés ayant mentionné le travail en continu et/ou en journée dans leur appel d’offres toutes procédures confondues (source : Cellule des Appels d’Offres Publics - Fare Propreté). Pour la Fédération, un des principaux freins au développement du travail en continu et/ou en journée est la méconnaissance des activités de propreté et la persistance d’idées reçues relatives à l’intervention des agents en présence des bénéficiaires du service. Des entreprises de propreté, des clients, des collectivités territoriales, la FEP, avec le soutien du Fare Propreté, ont décidé de travailler ensemble pour sensibiliser le plus grand nombre d’acteurs aux bienfaits de cette organisation et développer le travail en continu et/ou en journée sur leur territoire. Des démarches ont été engagées dans de nombreuses métropoles (Strasbourg, Dijon, Paris, Nantes, Orléans, Toulouse, Lyon) afin de contribuer à une amélioration substantielle des conditions de travail des salariés du secteur.