À quel point et comment sont utilisés les environnements de travail ?
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Chaque année, Measuremen capitalise sur les données de ses capteurs et de ses analyses d’environnements de travail à travers le moment pour produire son Annual Workplace Report. Sa dernière édition, recensant 229 758 espaces et 667 882 postes, montre que les bureaux restent largement sous-occupés depuis la sortie du Covid en 2022 et livre une analyse des usages du workplace à l’heure actuelle.
S’il est un domaine où la data peut avoir toute sa pertinence pour cerner des tendances à l’œuvre dans les environnements de travail, c’est bien celui de l’occupation des espaces. Les capteurs de présence permettent à la fois d’évaluer objectivement les taux de présence physique aux postes de travail, mais aussi de renseigner sur les manières dont les utilisateurs interagissent avec leurs espaces de travail. Spécialiste en la matière, Measuremen publie chaque année un Annual Workplace Report, s’appuyant sur les data collectés sur plusieurs centaines de milliers d’immeubles de bureaux dans le monde. Voici les enseignements des résultats de la dernière édition.
Le taux d’occupation toujours en berne, mais…
Après plusieurs mois de télétravail plus ou moins forcé pour la majorité des salariés du secteur tertiaire, le paradigme de la présence au bureau du lundi ou vendredi ne pouvait plus aller de soi.
Sans surprise, la pandémie de Covid-19 a produit un effet sans précédent sur les taux d’occupation des bureaux. Après plusieurs mois de télétravail plus ou moins forcé pour la majorité des salariés du secteur tertiaire, le paradigme de la présence au bureau du lundi ou vendredi ne pouvait plus aller de soi. Cependant, les données que présentent le rapport montre que le taux moyen d’occupation n’atteignait pas les 50 % entre 2017 et 2019, déjà. La pandémie a produit une chute brutale de 15 points, puis le taux a augmenté en 2023 pour se situer à 35,1 %.
Et il faut peut-être s’attendre à une poursuite de cet effet de « rattrapage ». Measuremen constate que la stabilisation des niveaux d’occupation n’est pas encore atteinte, avec une augmentation régulière de l’occupation au cours des six derniers mois de 2023. Cette tendance globale se retrouve notamment des les différents pays européens étudiés : France, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg.
En observant pendant dix jours consécutifs entre six à huit tranches horaires par jour, collectant 60 à 80 points de données par bureau ou salle de réunion, Measuremen détermine des pics d’occupation moyen. À l’échelle mondiale, le pic d’occupation moyen est actuellement de 52 % cachant des disparités relativement faibles entre les pays : Royaume-Uni (51 %), France (56 %) et Pays-Bas (54 %). En faisant une distinction en fonction de la taille des bureaux, le rapport souligne une occupation moyenne plus faible dans la tranche des immeubles contenant 1 501 à 3 000 bureaux (33,2 %), les plus grands actifs affichant le taux le plus élevé (+ 3 000 postes, 37 ,2 % d’occupation moyenne).
La semaine en « chameau »
À travers ses différents actifs étudiés dans le monde, Measuremen observe et confirme une tendance très habituelle : les mardis et jeudis sont les jours les plus chargés de la semaine, créant un graphique « des bosses de chameau ».
Cependant, une fois de plus, si le Covid-19 a donné plus d’ampleur à des phénomènes préexistants, la comparaison des données montre néanmoins qu’il y avait déjà une occupation moindre des locaux des entreprises avant la pandémie les lundis, mercredis et vendredis.
Non, le bureau n’est pas dévolu au travail collaboratif !
Alors que l’on a beaucoup dit et répété que le bureau serait le lieu des tâches collaboratives et le télétravail réservé aux besognes individuelles, les chiffres semblent mener la vie dure à ce récit.
Alors que l’on a beaucoup dit et répété que, dans le cadre du travail hybride, le bureau serait le lieu des tâches collaboratives et les jours de télétravail réservés aux besognes individuelles, les chiffres semblent mener la vie dure à ce récit. Le rapport indique que 57 % du temps d’activités au bureau est dédié à ce qui s’apparente à du travail individuel.
Dans les faits, les journées de la plupart des salariés de bureaux semblent s’organier autour des temps de réunion. Malgré la multitude d’emplois et d‘organisations un schéma symétrique semble se dessiner dans les données d’occupation, que la plupart des employés suivent grosso modo tout au long de leur journée de travail.
À partir de 12 heures, les cantines et les cafétérias commencent à se remplir d’employés qui prennent leur déjeuner et discutent entre eux. Bien que certains puissent prendre une pause à leur bureau ou manger un sandwich lors d’une réunion mal programmée, la plupart des gens prennent leur pause à mi-chemin de la journée de travail. Ce moment est généralement celui où la plupart des gens se synchronisent et ont un moment partagé en dehors de leur travail.
Selon les données de Measuremen, l’occupation des salles de réunion est la plus élevée plus tard dans la matinée entre 10h00 et 12h00, et de 13h00 à 15h00. C’est un moment où la plupart des employés sont au bureau et ont donc des réunions de manière plus efficace. Une autre raison pourrait être que tenir des réunions trop tôt ou trop tard pourrait coïncider avec des niveaux d’énergie bas. Par conséquent, les gens pourraient préférer planifier des réunions lorsqu’ils se sentent pleins d’énergie et espèrent que leurs collègues le seront aussi. Une vision qui pourrait se questionner : une énergie élevée pourrait potentiellement être mieux utilisée pour le travail individuel, car participer à des réunions peut s’avérer moins exigeant.
Du fait de cette organisation, la journée de travail commence pour beaucoup de gens par du travail individuel. De la réponse aux courriels à la planification, en passant par la rédaction de rapports et le visionnage de courtes vidéos. Passer du temps individuellement peut être apprécié par les employés qui n’aiment pas être dérangés, mais peut être perçu comme difficile pour les personnes qui ont du mal à se lancer. À la fin de la journée, la plupart des employés passent également leur temps à faire du travail individuel. Les après-midis sont un moment parfait pour exécuter les tâches discutées lors des réunions et pour terminer le travail avant de rentrer chez eux.
Cet environnement de travail centré sur les réunions entraîne une planification en fonction de celui-ci. Certaines personnes planifient par exemple du « temps de concentration » dans leur calendrier pour prioriser cela. En d’autres termes, les réunions sont devenues prioritaires en ce qui concerne les rythmes de bureau.
Bien que ces data brutes permettent de saisir des réalités à l’œuvre, elles doivent s’enrichir de l’observation humaine pour être affinées, ce dont les experts de Measuremen sont eux-même conscients. « Bien que les capteurs puissent révéler beaucoup de choses, ils manquent la nuance des observations humaines. Les observations sont cruciales pour comprendre les schémas d’activité, tels que la distinction entre le travail individuel et collaboratif. Elles peuvent capturer des nuances que les capteurs manquent, telles que les raisons des espaces de travail inoccupés mais réservés, ou l’utilisation inappropriée de certaines zones », précise le rapport.
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