Benjamin Teboul (Deskeo) : « Le marché des tiers-lieux va éclore dans les prochaines années »
Par Alexandre Foatelli | Le | Modes de travail
Benjamin Teboul, cofondateur de Deskeo, partage son analyse de la situation du marché des bureaux flexibles, en marge de la chute de WeWork.
Que représente aujourd’hui Deskeo en France en termes de surfaces opérées (avec le détail des différentes offres de service si possible) ?
Nous disposons d’une surface de 95 000 m² de bureaux, articulés autour de deux produits principaux : le bureau opéré et une offre Meetings & Events pour les réunions et événements professionnels.
Quels sont vos objectifs de développement en surface et en termes de localisation ?
Notre volonté est de continuer à densifier notre offre dans le centre de Paris, tout particulièrement dans les 2e,3e,8e,9e,10e et 11e arrondissements, ainsi que dans des localisations stratégiques en Ile-de-France telles que Neuilly ou La Défense. Nous sommes calibrés pour déployer entre 40 000 et 60 000 m² par an en termes de conception, d’aménagement et de commercialisation. Ainsi, nos objectifs de développement seront dictés par des opportunités et non pas par une obligation de faire de la croissance à tout prix.
Aujourd’hui, quels sont les profils types des utilisateurs de vos espaces ?
À quelques exceptions près, ce sont principalement des entreprises ayant entre une vingtaine et une centaine d’employés, venant d’horizons très divers tels que le monde des médias, la finance, l’industrie ou encore la tech. Ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles viennent chercher chez Deskeo une qualité de service, de la flexibilité et surtout un opérateur qui comprend leurs problématiques pour pouvoir les accompagner dans la durée.
Certaines données (Actineo, Institut Paris Région, par ex.) montrent que les espaces de coworking sont peu utilisés par les salariés télétravailleurs. Est-ce à dire que ce modèle du coworking n’est pas viable sur le long terme ?
Le coworking n’a pas vraiment été créé pour les télétravailleurs, mais plutôt pour des créateurs d’entreprises ainsi que des freelances en quête de locaux professionnels. Ils cherchent à travers ces espaces à avoir accès à d’autres compétences et à (re)créer du lien social. Les télétravailleurs ne s’y retrouvent pas autant que l’on pourrait croire, parce qu’ils ont une identité qui est celle de leur entreprise. Ce que l’on observe, c’est que les télétravailleurs peuvent parfois consommer de manière sporadique des espaces de coworking, lorsqu’ils sont en déplacement ou ont besoin d’effectuer des tâches qu’ils ne peuvent pas faire depuis leur domicile.
Nous sommes convaincus que le modèle du coworking est viable sur le long terme, preuve en est l’arrivée et l’éclosion d’autres opérateurs ayant emboité le pas de WeWork. Cependant, le coworking pur semble avoir une profondeur de marché limitée sans la stabilité que peut apporter des clients d’une certaine taille. Je reste persuadé que dans toutes les industries cohabitent des entreprises qui se portent bien et d’autres qui ne survivent pas. Étant les premiers sur ce marché, WeWork y aura laissé des plumes. Ils ont dû faire face à des investissements et à un déploiement à grande échelle qui est certainement trop difficile à rentabiliser.
N’est-il pas vain de fonder des offres d’espaces de bureaux à l’heure où les entreprises elles-mêmes luttent pour remplir les leurs ?
Ce n’est pas ma lecture du marché. Ce que nous constatons, c’est que les collaborateurs français font partie, avec ceux des pays asiatiques, des champions du retour au bureau. Il existe un côté social que les salariés ne souhaitent absolument pas délaisser. En revanche, il est certain que la proposition de valeur ajoutée d’un bureau doit être différente de ce qu’ils peuvent trouver chez eux. Le niveau d’exigence des nouvelles générations, tant en termes d’hospitality que de design, est beaucoup plus élevé qu’auparavant. Aujourd’hui, le bureau est de plus en plus vu comme un lieu de destination. En matière de tiers-lieux, je suis convaincu que le marché va éclore dans les prochaines années et qu’il peut très bien fonctionner dans des marchés secondaires. Pour le moment, à notre niveau, nous privilégions de densifier les grandes villes.
Selon vous, dans quel rôle les opérateurs de coworking/bureaux opérés peuvent trouver un modèle économique durable ?
Le rôle des opérateurs est de faire le lien entre les propriétaires et les utilisateurs. Nous sommes dans un monde où l’utilisateur a besoin de services et de flexibilité, deux valeurs assez éloignées de la culture de la majorité des bailleurs. De leur côté, les opérateurs ont dû assumer l’entièreté du risque pour pouvoir proposer des solutions flexibles et servicielles. On ne peut plus nier la pertinence de ces nouveaux modèles d’exploitation. Pour un modèle économique durable, il va falloir, tant pour les propriétaires que pour les opérateurs, que des partenariats se créent, afin que ces derniers puissent exploiter, à l’image de l’hôtellerie, des espaces appartenant à des propriétaires à travers du contract management. Chez Deskeo nous exploitons déjà ce modèle et le bail traditionnel. Face au succès des immeubles exploités par Deskeo, les propriétaires n’hésitent plus à nous confier de plus en plus d’actifs. La répartition est aujourd’hui de l’ordre de 70/30 (bail traditionnel/contract management). Dans les prochaines années, nous allons tendre vers un partage 50/50.