Furniture for Good, le mobilier design issu des déchets plastiques
Par Alexandre Foatelli | Le | Mobilier & équipements
Exploiter les déchets provenant des « conteneurs jaunes » pour proposer du mobilier écoresponsable. Telle est l’ambition de Furniture for Good, fondée par Thibaut Jean Baptiste en 2019. Présentation.
Œuvrant dans le secteur de l’événementiel et du mobilier, Thibaut Jean Baptiste avait notamment travaillé sur la Cop21 en 2015 au Bourget. « Nous avions dû acheminer 50 semi-remorques de mobilier sur le site », se remémore-t-il. Après plusieurs années d’activité, cet événement majeur provoque une prise de conscience chez lui, qui le mènera à créer Furniture for Good. « J’étais continuellement en face d’une montagne de déchets créée par l’ameublement ! Que ce soit lors de la réception des meubles neufs chaque mois, où la moindre petite pièce était emballée dans un énorme carton, du plastique et du polystyrène, et si le mobilier était un petit peu abîmé par le transport, il était jeté à la poubelle », décrit Thibaut Jean Baptiste. En se renseignant sur l’ampleur du sujet, il découvre que l’ameublement en France génère « 3 millions de tonnes de déchets par an ».
L’ameublement en France génère 3 millions de tonnes de déchets par an
En outre, l’entrepreneur se rend compte que sur les 10 000 mètres carrés de son stock, regroupant du mobilier de marques reconnues, aucun fabricant ne proposait des produits écoresponsables. « Au fur et à mesure du temps, certains de mes clients, des agences événementielles, me demandaient justement de trouver des solutions plus responsables. En 2018, j’ai fait un benchmark de ce qui existait, et je me suis rendu compte qu’aucun gros faiseurs ne s’était lancé sur ce segment. Les solutions écoresponsables étaient proposées en majorité par des artisans qui proposaient du sur-mesure, souvent en bois, et à des prix assez onéreux », raconte Thibaut Jean Baptiste.
Valoriser les déchets
À cette époque, l’entrepreneur fait la rencontre de la société Le Pavé, qui récupère les déchets plastiques quotidiens et les valorise dans son usine à Aubervilliers, pour produire des planches et des plaques servant de matière première à énormément d’objet. « Ça m’a donné l’idée d’utiliser cette matière première pour fabriquer du mobilier, avec un modèle autour de trois grands axes », explique Thibaut Jean Baptiste.
Le premier axe concerne donc la matière première pour son mobilier : les déchets. Si les premières gammes sont issues des plastiques, « plusieurs produits sont en cours de prototypage avec d’autres déchets comme la brique, le verre, le marc de café, les pare-brises, etc. » Le deuxième axe, c’est le local. « J’en avais marre de voir que 80 % du mobilier vendu en France est importé et les trois quarts viennent de Chine », se récrie Thibaut Jean Baptiste. Le dernier point consistait à être rapidement dans l’industrialisation des process afin de répondre aux besoins des clients en termes de quantité. Tel est l’ADN voulu par le fondateur de Furniture For Good.
« Nous utilisons des déchets collectés entre le Loir-et-Cher et l’Île-de-France. Aujourd’hui, sur certains types de chaises, nous sommes en mesure d’en produire 1 000 pièces par mois, voire plus si besoin », vante Thibaut Jean Baptiste.
L’entreprise a aussi remporté l’appel d’offre pour aménager 1 600 chaises Kyrielle au CNIT
Pour se fournir, Furniture for Good s’appuie sur les prestataires de matériaux qui ont leur circuit préférentiel de récupération des déchets, et travaille main dans la main avec des acteurs du recyclage comme Paprec ou localement Lemon Tri, qui est basé à Pantin. En outre, Furniture for Good est en discussion avec Viparis pour installer des bornes de récupération de déchets qui serviront à fabriquer du mobilier, que l’organisateur d’événement pourra potentiellement racheter par la suite. L’entreprise a aussi remporté l’appel d’offre pour aménager 1 600 chaises Kyrielle au CNIT, dont la réouverture est prévue pour le printemps 2023.
Marché en devenir
Fort de son concept, Thibaut Jean Baptiste peut affirmer aujourd’hui qu’il est possible de « faire du mobilier écoresponsable en France sans être cinq fois plus cher que la concurrence ». À condition de pouvoir « maîtriser ses coûts en limitant le nombre d’intermédiaires dans la chaîne de production » et d’apporter « de la valeur ajoutée à son produit ». « Je suis très fier de pouvoir dire que mes produits sont plus chers qu’une chaise importée de Chine et que je suis complètement dans les gammes de prix qui existent sur le marché aujourd’hui pour des meubles de qualité », résume Thibaut Jean Baptiste.
Aujourd’hui, le marché de l’ameublement français pèse 15 milliards d’euros. Si on met bout à bout tous les fabricants de mobilier d’aménagement écoresponsable, je pense qu’on arrive péniblement à 10 ou 15 millions d’euros, Thibaut Jean Baptiste
Au chapitre des perspectives et des ambitions, Furniture for Good entend se placer comme un véritable fabricant de mobilier, ce qui implique que ses produits soient des créations originales. « Pour une chaise par exemple, il faut compter entre 18 mois et 24 mois de développement, affirme le fondateur. Avec une entreprise qui a été créée il y a trois ans, on ne peut pas encore avoir une gamme pléthorique de possibilités. » L’entreprise envisage aussi de diversifier ses créations, en fabricant demain des canapés par exemple, ce qui impliquera de se fournir en tissu et en mousse recyclés et d’adapter les lignes de production.
En effet, le potentiel existe bel et bien ! « Aujourd’hui, le marché de l’ameublement français pèse 15 milliards d’euros. Si on met bout à bout tous les fabricants de mobilier d’aménagement écoresponsable, je pense qu’on arrive péniblement à 10 ou 15 millions d’euros », estime Thibaut Jean Baptiste. Une fourchette très large, qui promet de belles perspectives de développement.